Al’Tarba intoxique le futur dans son nouveau clip

Taxi DriverC’était avant ça l’album le plus glauque et infectieux de l’année, le plus sombre et le plus étouffant : La Nuit se lève d’Al’Tarba n’en finit pas de nous empêcher de respirer. Le nouveau clip du terrifiant Infected Streets, l’un des meilleurs morceaux (instrumentaux) du disque, ne fait que renforcer cette sensation d’un monde (futur) en perdition, dans lequel les hommes errent comme dans une version contemporaine de Blade Runner, européanisée d’Angel Heart ou relookée de la Soif du Mal. Tout est sombre, collant, sali par l’abjection et l’immoralité. Toute ressemblance avec un pays en déconfiture pré-électorale serait évidemment fortuite.

Le clip d’Infected Streets met clairement mal à l’aise et pousse la vision du beatmaker au plus près  sa source cinématographique et de ses influences (le Travis Bickle dingo de Taxi Driver). Le mini-film réalisé ici par Yoann Vellaud suit pas à pas et quasi littéralement les interludes originaux, rappelons- le, de l’album (sans en reprendre les dialogues) en filant un homme fantomatique et à la dérive dans une escapade nocturne où son ombre (maléfique) vient à sa suite abattre un à un les symptômes/symbole de déréliction qui l’accablent. Le grain de l’image est brun et craquant. La gueule de l’acteur principal, Slimane Dazi, porte sur elle la dureté de l’existence et la rudesse des rapports humains à LeftOver City (la ville des laissés pour compte). La violence est omniprésente et exprimée avec une froideur sèche, redoutable et sans nom. La Créature qui accompagne le personnage principal n’a ni corps, ni visage, projection mentale à peine dissimulée des pensées les plus noires de ce héros miteux, montées en un Ange Exterminateur intraitable. Le suicide final vient paradoxalement conclure cette horreur par une touche indirecte d’espoir : le seul instant où l’humanité pointe le bout du nez.

Infected Streets est un titre d’ambiance à l’image de cet album : ambitieux et d’une rigueur extrême. Les séquences s’articulent avec une force exceptionnelle, pour provoquer un effet d’angoisse rarement ramassé en une telle durée (3 minutes 20, générique compris).  Qu’on aborde ça du côté musical ou du côté cinématographique, c’est un petit tour de force, qui rappelle certains séquences inaugurales d’un Gaspar Noé, une forme de shoot d’adrénaline et d’énergie négative, qui explique pourquoi tant de monde (et de journalistes en particulier) semblent se défier de cet album. Al’Tarba est contagieux.

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