Beck / Colors
[Capitol Records]

1.8 Note de l'auteur
1.8

Beck - ColorsOn n’avait pas imaginé il y a 25 ans que Beck pourrait avoir un jour 47 ans. On n’aurait pas imaginé non plus qu’il puisse décrocher un Grammy Awards et devenir à ce point mainstream. A vrai dire, on n’aurait pas imaginé qu’il puisse faire un album qu’on aime aussi peu que Colors. Il arrive toujours un moment où on s’éloigne de nos idoles d’adolescence mais aussi peu souvent qu’on en divorce définitivement. On avait suivi le bonhomme assez loin dans sa discographie, trouvant des qualités à Sea Change, The Information et surtout au garage rock déviant de Modern Guilt. Guero nous avait emmerdé et il faut bien avouer qu’on était passé à côté de Morning Phase, lequel annonçait déjà ce qui nous arrive avec Colors : un Beck aseptisé et complètement ravalé de haut en bas.

D’aucuns diront que Beck a toujours tutoyé le mauvais goût et n’a jamais été meilleur que lorsqu’il lorgnait sur un genre et s’amusait à en décrypter les codes. Le funk déviant de Midnite Vultures en était un excellent exemple. Mais cela ne justifie pas Colors, l’album le plus pop et le plus spectaculairement joyeux du Californien. Enregistré avec le producteur des stars Greg Kurtin (Adele, Sia), l’album est pour Beck celui de la santé retrouvée. Ayant récupéré d’une sévère blessure à la colonne vertébrale, le chanteur est en pleine forme et a fait de ce nouvel album celui de la liberté retrouvée. On a beau être scientologue, heureux en affaires et en amour, cela ne justifie en rien qu’on puisse utiliser la flûte de pan dès le morceau d’ouverture. On n’a rien contre l’instrument qui fait son effet joué sur une place de ville moyenne par une bande de pré-colombiens coupés au bol mais il faut avouer qu’on n’a pas survécu aux 15 secondes de solo à la flûte de pan qui bouclent la seconde minute du premier morceau. Quelle abomination ! Le titre lui-même est atroce, un morceau entraînant de bout en bout qui vous donne envie de vous enquiller l’intégrale d’Emile et Images dans la foulée après avoir gobé une poignée de médicaments.

Il ne faut pas exclure que l’écoute de ce seul morceau ait réussi à nous gâcher l’écoute de ce nouvel album. Parce qu’il faut avouer que le reste de l’album est bien meilleur. Juste bien meilleur mais tout de même pas très intéressant. Seventh Heaven est un morceau pop plutôt bien troussé mais qui ne présente pas un grand intérêt. C’est tout le problème ici : Back chante bien (même si sa voix semble FILTREE, TRAFIQUEE, LIFTEE), ses textes sont drôles tantôt sensibles, tantôt astucieux, les mélodies sont assurées et plutôt agréables, mais on oublie les morceaux aussi vite qu’on les a écoutés. Dis autrement : c’est un album qui ne sert à rien. Or, c’est exactement tout le contraire de ce qu’on attend de Beck, le gars qui nous en appris plus sur les ressorts de la musique et les genres musicaux que n’importe qui d’autre en vingt ans de carrière. I’m So Free est vulgaire et tape à l’œil. La construction du morceau est intéressante mais cela ne fonctionne pas du tout. La production est riche et le riff de guitares n’est pas inefficace mais l’introduction de chœurs putassiers et le titre à rebonds fatigue assez vite. Que dire de Dear Life qui ferait objectivement un bon morceau pour n’importe quel frère Gallagher ? Le chanteur se débarrasse lui-même du morceau en le laissant s’éteindre/étendre en roue libre au-delà de sa troisième minute. Beck est pop, mi-Paul Simon de cabaret, mi-Brian Wilson en déambulateur. Il est pop comme Prince en robe de chambre et cool comme Hugh Hefner mort dans sa baignoire remplie de lait d’ânesse et de sperme de cachalot. On ne commentera pas par charité le reggae de No Distraction ou le retour de la flûte de pan sur le single Dreams. L’effet pop des années 80 est évident ici. Et ce n’est pas un compliment. Wow donne envie de se suicider à l’arme blanche. Le reste est à l’avenant, en recherche permanente du riff et du rythme qui tue mais avec une délicatesse qui ferait passer Julien Doré pour XTC.

Ce nouvel album plaira peut-être à ceux qui aiment faire la fête ou assister à des partouzes en leggins. Up All Night marche pas mal pour ça. « Je vais rester éveillé toute la nuit avec toi », chante Beck, en le répétant vingt fois. Même au dixième degré, cela reste très médiocre et cela n’a absolument rien d’amusant. Pas la peine d’en rajouter : pour passer à côté, on est passés à côté.

Si vous avez aimé Beck un jour, on vous recommande de ne même pas essayer d’y prêter une oreille.

Tracklist
01. Colors
02. Seventh Heaven
03. I’m So Free
04. Dear Life
05. No Distraction
06. Dreams (Colors Mix)
07. Wow
08. Up All Night
09. Square One
10. Fix Me
11. Dreams
Ecouter Beck - Colors

Liens
Recevez chaque vendredi à 18h un résumé de tous les articles publiés dans la semaine.

En vous abonnant vous acceptez notre Politique de confidentialité.

Mots clés de l'article
, , ,
More from Benjamin Berton
Umberto / Alienation
[Not Not Fun Records]
Les gens que je connais se foutent souvent de moi quand je...
Lire la suite
Leave a comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *