Brian S. Cassidy / Alpine Seas
[Microcultures / Differ-Ant]

8 Note de l'auteur
8

Brian S. Cassidy / Alpine SeasC’est un pur morceau d’americana que propose aujourd’hui Brian S. Cassidy (ex Okkervil River). L’écrin, on croit tout d’abord le connaître dans ses moindres détails : chansons folk dépouillées, petites brises pop qui ne souhaitent déranger personne, voix inévitablement majestueuse mais humble… Un bon disque artisanal à ranger dans le rayon « albums à ressortir lors du prochain spleen hivernal » ? Non. Car ce qui distingue Brian S. Cassidy de nombreux folkeux neurasthéniques, c’est le goût de l’espace. Pas vraiment porté sur la complainte individuelle au coin d’une cheminée, le compositeur aère ses chansons, il offre à ses arrangements le souffle de l’air libre. Parfois, l’ombre d’Elliott Smith (autre grand voyageur immobile) transparaît. Moins torturé que l’auteur d’Either/Or, certes, Cassidy n’en conserve pas moins une volonté similaire de transformer l’intimité en road movie, les affres personnelles en ballade mélancolique sur les routes du monde.

Car plus Alpine Seas se déguste, plus l’éclat lumineux de cet album prend le dessus. L’extrême méticulosité des arrangements, et leur dépouillement en trompe-l’œil, nécessite plusieurs immersions, plusieurs écoutes religieuses (difficile d’exercer une quelconque activité lorsque défile l’ouvrage – c’est tout bonnement impossible). Alpine Seas incite à ne pas brusquer l’écoulement du temps, il oblige à l’isolement et à la paresse (écrire une chronique devient secondaire, car rien ne presse). Une sensation déjà rencontrée, il y a longtemps, chez R.E.M., au moment de la sortie d’Automatic For The People : l’aspect faussement rachitique des chansons pouvait induire en erreur, faire croire à une mise en avant de l’ossature ; mais en y revenant, les mélodies finissaient par dominer l’ensemble – et changer le minimalisme en less is more.

Il y a forcément, chez Brian S. Cassidy, une dimension cinématographique. Oubliez Wim Wenders (qui, ceci-dit, devrait élire Alpine Seas meilleur album de l’année s’il y prêtait une oreille), pensez plutôt à Michael Cimino. Car il ne s’agit pas, en dix titres, de suivre un hasardeux chemin, mais de remonter jusqu’aux origines de Mère Nature, donc de l’Amérique : I’m An Ocean, A Cruise, Clare’s Bridge, The South… Chaque intitulé ravive l’idéalisme perdu d’une civilisation en harmonie avec les éléments. La mélancolie d’Alpine Seas ne provient donc guère des états d’âme de Cassidy, mais d’une profonde nostalgie pour une Amérique d’avant l’âge industriel. Et en cette époque où un psychopathe brigue le poste présidentiel, le nouvel album de Brian S. Cassidy, peut-être malgré lui, n’en devient que plus engagé. « Make believin », y est-il dit…

Tracklist
01. I’m an Ocean
02. Beyond the Dark
03. A Cruise
04. Arcadia
05. Uncompahgre
06. Make Believin
07. Clare’s Bridge
08. The South
09. Rich Man
10. If I Could Write a Sona
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