C’est parfois dans une forme de spontanéité que naissent les albums poignants. Une spontanéité liée au besoin d’enregistrer vite et maintenant, avant que l’état d’esprit ne se perde. Dinner (derrière lequel se niche le Danois Anders Rhedin) propose ainsi un bien joli New York faussement bricolage, faussement vintage. Car à l’instar du Pulp d’It ou du Magnetic Fields de 69 Love Songs, Anders adjoint la luxuriance harmonique à des compos réduites à divers essentiels. Un peu synthpop mais pas trop, New York pourrait aisément se revisiter sous un angle purement orchestral, à la Bacharach ou Mancini. Une douce et puissante dualité entre des chansons qui réclament l’envolée symphonique et un résultat, a contrario, qui conserve les pieds sur terre, en discret quidam.
Du coup, cette dichotomie trompeuse émerveille les cœurs : Anders ne possède jamais la prétention de chercher à voir plus loin que la sobre fragilité ici mise en œuvre, il cherche à retranscrire avec honnêteté une petite parcelle de son quotidien romantique. Et là où un apport façon Bacharach lui permettrait de concurrencer, voire d’écraser, un Sufjan Stevens ou un Stuart Staples, Anders, haute qualité, préfère le langage du voisin, de l’anonyme, de vous et de moi. Musique brillante, revigorante, mais bien trop fragile pour se croire supérieure.
Un romantisme fou, tendance amoureux solitaire, déjà croisé chez Pulp, Stephin Merritt, ou plus récemment chez l’infortuné Zachary Cole Smith de DIIV (également chez Captured Tracks, rien d’hasardeux) : des gens biens, un peu paumés, comme beaucoup d’entre nous…
