Dinosaur Jr. / Give a Glimpse of What Yer Not
[Jagjaguawar]

7.5 Note de l'auteur
8 Note d'hippo
7.8

Dinosaur jrOn ne sera pas loin d’être morts le jour où on ne ressentira plus une pointe d’excitation à l’idée de découvrir un album du Dinosaur Jr. Give A Glimpse Of What Yer Not sort chez Jagjaguawar comme les précédents. C’est comme rentrer à la maison après des vacances exotiques, c’est comme faire l’amour pendant trente ans avec la même femme et la croire différente chaque jour, c’est comme prendre du bide et ne pas abandonner l’idée de faire un jour du sport professionnel, c’est comme vieillir et se croire éternellement con. Un truc familier qui est à la fois un truc en plus et en même temps un truc en moins. Dinosaur Jr fait partie des rares groupes, avec The Wedding Present, Inspiral Carpets et les Gipsy Kings, qui n’ont jamais écrit qu’une seule chanson. La même foutue super chanson, déclinée selon trois millions de versions sur une bonne dizaine d’albums, suffisamment différente pour qu’on ne la reconnaisse pas mais suffisamment identique pour que notre cerveau s’aperçoive (généralement au bout de trois secondes ou quatre) que c’est bien elle. On pourrait reconnaître le Dinosaur Jr à un blind test avec des bouchons d’oreille dans le nez et de la cire sur le genou, de la même façon qu’on reconnaîtrait la voix de Robert Smith au cul de la navette spatiale. Dinosaur Jr est un groupe indémodable. Leur nouvel album est plus cool que le précédent parce qu’il est nouveau et parce qu’on ne connaissait pas encore ces variations là. Un peu plus rapides, un peu plus lentes. Le changement, c’est jamais. Le Dinosaur Jr est un modèle de constance et de répétition, en même temps qu’une anomalie artistique .

Give A Glimpse Of What Yer Not est le quatrième album du groupe depuis sa reformation de 2007. Cette séquence est la plus longue et la prolifique de leur histoire, et s’avère, pour son existence même, une vraie curiosité dans le théâtre des assemblages/désassemblages des groupes qui durent. Dans une interview récente, Lou Barlow expliquait que Jay Mascis et lui ne s’étaient pas vraiment adressés la parole depuis trois ou quatre ans. Mais cela ne les empêche pas de travailler ensemble. Murph le batteur sert d’intermédiaire. Dans une autre, Lou Barlow explique que se retrouver dans ce groupe, parmi des types (Mascis surtout) avec lesquels il n’a plus d’atomes crochus, est un signe de caractère. « Je peux le faire. Je suis un adulte et je peux continuer à jouer avec ce mec qui ne m’intéresse pas. » Dans d’autres, le bassiste explique toute l’admiration qu’il voue à son collègue, héritée de leurs débuts. Lou Barlow sait que Jay Mascis a vu un truc avant tous les autres autour de 1983 : la musique de demain. La rencontre du rock à guitares et du futur. Du bruit et de la note. De la casquette et des cheveux gras. Du skate et du spleen. Les deux hommes évoluent au sein de Deep Wound, un groupe hardcore que Barlow a fondé et que Mascis a rejoint après que le groupe a fait paraître une petite annonce. Le groupe explose et les deux hommes inventent Dinosaur Jr. C’est là que tout se joue. Mascis devient compositeur. Tout est là en 1985. Il signe tous les morceaux de Dinosaur, avant même que ça commence. Il tient sa chanson : Repulsion, The Leper, Gargoyle. La même à l’infini. Trente ans plus tard, on prend les mêmes. Il a déjà écrit Going Down qui ouvre ce nouvel album. Il a écrit Good To Know, Be A Part et toutes les autres. C’est juste qu’il ne les avait pas encore mises sur un album. Beyond était un album costaud. Farm (notre préféré) était plus mélodique et avait une meilleure pochette. I Bet On Sky était un album intermédiaire mêlant les différents âges du groupe. Tous étaient très bons. Give A Glimpse Of What Yer Not est un album qui ressemble plus à un album solo de Mascis : les guitares prennent de la place et s’expriment beaucoup. La voix traîne un peu et les paroles sont à la fois personnelles et complètement floues.

Au risque que cela passe pour une critique, les textes ressemblent à un truc que Mascis déroule ad lib : je dégringole, j’ai le cœur brisé, je pars/je reste, j’aime l’amour, je suis groggy, je suis paumé, je renais. Il y a comme un générateur de textes qui déroule à l’arrière-plan. Mascis est devenu aussi balèze que Robert Smith pour composer les chansons du groupe. Il assemble les mots-clé et sa voix fait le reste. « I’ve been crawling around since I met you », il chante sur Mirror, l’un des meilleurs morceaux de l’album. Il y a des sortes de mantra refrains qui impriment immédiatement et qu’on répète ensuite toute la journée, comme des chansons pop toutes connes, en traînant des savates dans le métro ou au bureau. Il n’y a pas plus con que de chanter du Dinosaur Jr au bureau. C’est complètement irresponsable et déplacé, parce que si vous chantez : écoutez Dinosaur Jr, c’est que vous avez toutes les chances d’avoir…. quoi… quarante balais. Ah, ah. Vous avez vu le clip de Tiny ? Les rollerskateuses en mini-short et l’autre qui fait du skate ? Le groupe qui joue au milieu. C’est exactement ça : vieillir c’est essayer de rester cool et de porter fier son ridicule. Murph est énorme. Il donne l’impression d’avoir quatre bras et tous font la course à celui qui bat le plus vite. Lou Barlow invente de belles lignes de basse. C’est un boulot mine de rien. Tiny est un morceau classique mais tellement bien fait. Vous reprendrez bien une dernière petite chanson pour la route. Knocked Around. Un air de déjà vu. Good To Know, le solo de guitares qui tue sa sœur. Ducon, on est tous là pour cela. Comme à chaque fois depuis la reprise, Lou Barlow a droit à ses deux titres et cette fois-ci, il livre du bon avec Love Is… et Left/Right. Ça ressemble à du Love/ Byrds et les deux morceaux offrent un contrepoint sophistiqué aux assauts du bandit J. Tu parles d’un truc : les deux meilleures chansons de Lou Barlow sur un album de Dinosaur Jr depuis la reprise ! Produit d’appel.

Tracklist
01. Going Down
02. Tiny
03. Be A Part
04. I Told Everyone
05. Love Is…
06. Good To Know
07. I Walk For Miles
08. Lost All Day
09. Knocked Around
10. Mirror
11. Left/Right
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