Étant donné que Thrill Jockey, institution en matière de musique américaine décalée à laquelle on doit tant de disques capitaux, semble beaucoup miser sur le premier album d’Entrance, il faut donc se pencher illico au chevet de l’album de Guy Blakeslee, l’homme qui se cache derrière ce projet.
Pour ceux qui comme nous (et qui doivent être largement majoritaires sur le Vieux Continent) seraient passés à côté des précédentes réalisations de l’Américain, il faut rappeler qu’il a déjà réalisé deux disques sous son propre nom en 2014 et 2015. Mais le garçon a surtout œuvré sous le nom d’Entrance avec quatre albums parus avant 2006 et deux autres avec The Entrance Band. Les plus pugnaces auront noté qu’il a aussi partagé un split single avec Papa M et Wall Of Death. Peut-être même que quelques-uns l’auront vu fouler les planches en première partie de Beach House ou Explosions In The Sky. Le gars a donc un curriculum vitae long comme le bras d’un orang-outan… mais il reste jusqu’alors dans la catégorie des anonymes.
Pour achalander le client, on pourra alors arguer que si Entrance est bien un projet solo, il n’en reste pas moins que Blakeslee est entouré de musiciens dont le pedigree est une caution supplémentaire : Paz Lenchantin a joué avec les Pixies et Silver Jews ; Frank Lenz est un proche de David Bazan et Pedro The Lion ; et Lael Neale apparait sur des albums d’Other Lives et Yeasayer.
C’est que le talent de compositeur et d’interprète du bonhomme sert de catalyseur. Le genre d’artiste doté d’un charisme certain et reconnu par ses pairs.
L’inspiration lui vient des classiques folk-rock américain, sans aucun doute, et cela s’entend sur certains titres qui peuvent paraître trop plan-plan (Summer’s Child) lorsqu’il s’astreint à ne pas enfreindre les codes et respecter un exercice de style qui ne convient pas à son jeu.
En revanche, dès lors que l’orchestration et les sonorités s’ouvrent aux expérimentations, aux partis pris audacieux, aux influences hispaniques ou celtiques, Entrance fait mouche avec des compositions aux mélodies fuyantes, sur lesquelles sa voix capiteuse déploie sa majesté sur des arrangements chiadés. Outre le single Always The Right Time, à la fois classique et diablement ambitieux, Entrance chasse sur les terres de Calexico (I’d Be A Fool), divague sur les franges psychédéliques (Molly) ou se fout à poil dans une église luthérienne (Leaving California). Toutes ces chansons sont habitées par une indéniable ferveur qui est pour beaucoup dans leurs capacités à émouvoir.