Filles de septembre (3) : Samantha Crain, à sauvageonne, sauvageonne et demi

Samantha CrainSamantha Crain ne fait pas partie à proprement parler des nouveaux talents de saison. La jeune (28 ans) chanteuse de Shawnee dans l’Oklahoma, en est déjà à son quatrième album, le magnifiquement couvert Under Branch & Thorn & Tree, étant sorti en plein de mois de juillet, mais a su garder au fil du temps une fraîcheur et une vivacité dans l’attaque de guitare qui lui valent de figurer dans notre panorama des Filles de septembre.

Son précédent disque, Kid Face, reste selon nous son meilleur, une démonstration de féminité débordante, d’insoumission et de surprise permanentes qui nous avait époustouflé. La jeune femme s’y montrait sans fard dans un registre folk sauvage qui jouait habilement de sa jeunesse, de son caractère et d’une volonté farouche de ne pas s’en laisser conter. Samantha Crain incarnait pour nous la sauvageonne à guitares, à la voix forte mais pas toujours accordée, une sorte de Janis Joplin nourrie au grain et petite soeur par alliance de Victor de l’Aveyron, qu’un producteur barbare aurait saisi sur le vif quelques mois (ou années) après sa capture. Dans les faits, la jeune femme qui est largement autodidacte en matière de musique (elle a appris seule), tourne depuis ses 19 ans et a fréquenté l’université. Son premier album évoquait du reste l’année qui précéda le grand départ et où la belle courait dans les champs en toute insouciance. Elle n’a rien d’une décérébrée et s’est fait connaître pour un peu d’activisme pour la cause native Americans (en gros les indiens). Le quatrième album, qui suit celui de la révélation, est à cet égard (celui de la sauvagerie des débuts) une petite régression. Samantha Crain joue mieux, chante mieux et bénéficie d’une production plus léchée. C’est un peu dommage pour qui aime les jeunes filles en haillons et qui crient un peu n’importe comment, et cela tend à banaliser quelque peu sa performance. Cela n’enlève toutefois rien de bien important à ses qualités naturelles qui sont intactes : ses chansons sont souvent à tomber, et l’équilibre entre son chant (qui parfois est menacé de Cranberrisation – du nom du fameux groupe irlandais) et son jeu de guitares toujours subtil et vénéneux.

Sans rentrer dans une critique trop précise du disque, on peut noter que Crain excelle quand elle évolue dans ce registre de la sauvageonne « vieux blues », la fille du Delta (ok, l’Oklahoma est au confluent des cultures indiennes, afro-américaines et irlando-germaniques), qui traîne-savate dans les bouges, entre ville et campagne. Quelques chansons comme Kathleen ou l’excellent If I Had A Dollar (tout un programme) sont remarquables et font d’elle le chaînon manquant entre Zora la Rousse et Leadbelly. Crain respire le vieux rock, l’esprit des pionniers et la solitude redneck. Elle est moins marrante et intéressante quand elle s’organise comme une pro, sur des morceaux comme Big Rock ou Outside The Pale. Le tout reste à la fois fascinant et sensuellement roots. On ne saurait trop conseiller d’y prêter l’oreille avant qu’elle ne devienne définitivement une professionnelle de la musique des origines.

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