Jean-Louis Costes a été hippie avant tout le monde

8 Note de l'auteur
8

Costes Ma vie de hippyL’inventeur de la pop-noise made in France a sorti le meilleur disque sur les seventies de tous les temps.

Costes est un artiste underground protéiforme : écrivain, cinéaste, dessinateur, performer et surtout, musicien. Ses morceaux sont basés sur des mélodies pop minimalistes, puis sont ensuite plus ou moins déconstruits et perturbés par un chant qui oscille entre chanté, parlé et braillé. Le résultat obtenu est une sorte de chansonnette bruitiste aux paroles explicites, et aux ambiances toujours très variées. Depuis le milieu des années 80, il a produit plus d’une centaine de productions musicales tous supports confondus.

Ma Vie De Hippy relate ses mésaventures dans les psychédéliques années 70, et même si on sait toujours à peu près à quoi s’attendre avec Costes, on reste tout de même chaque fois surpris par l’intensité de ses créations. Seventies obligent, le disque comporte une plus grande présence de guitares, et même de quelques solos, mais la voix de Costes reste dans ce registre saturé si caractéristique. « Les jolies hippies sont des vieilles junkies. J’ai plus de cheveux, j’ai plus de dents. » ironise d’emblée le morceau d’ouverture Les Beatles Sont Morts, et lance le ton de l’album : drôle, trash et tragique. D’un bad trip extravaguant à une loufoquerie de flippé, la came monte au cerveau de Costes pour notre plus grand plaisir : « Un éléphant m’encule et je suce un cobra. » De Bombay, on s’envole vers le Maroc, puis ensuite pour la Colombie. Du LSD au shit, du shit à la coke, Costes va immanquablement rater tous ses business de drogué. Le Blues De Jimmy invoque un Hendrix défoncé et hystérique sur une composition bruitiste à l’ancienne : les enculés d’industriels apprécieront. Costes cultive ce talent du propos totalement décalé mais qui sent bon la poésie extrême et second degré dont lui seul a le secret : « Je vomis dans les chiottes turques plein de merdes d’hindous. » Sur un fond d’électronique vaguement transe, Enculé À Ceylan est digne de ses meilleures saynètes musicales et s’écoute sans vaseline. Caca Trip est un délire totalement convulsif, encore un monologue noise comme lui seul sait le faire. Après les balbutiements sexuels de la Première Boum, Costes raconte l’amour libre dans On S’Encule En 69, et peut enfin jouir de tout son soûl. Le synthé low-fi à la mélodie dark de Idéologie Satanique est contrebalancé par un texte anéantissant l’idéologie du Flower Power ; le constat est rude mais pertinent : « Où est le monde meilleur que vous nous promettiez ? » Sur Hippy Avec Un Fusil, Costes poursuit sa réflexion lucide de cette époque sur un piano entraînant : « Ce qui était chiant avec les hippies, c’était la zone, c’était la drogue, le pacifisme à deux balles et le communisme à la con. Ce qui était bien avec les hippies, c’était merde à l’état, merde au progrès, merde aux objets, tout quitter, se démerder et s’aimer. » Ce touchant morceau évolue en une forme de parabole sur son propre parcours, et symbolise l’exemple parfait de cette nouvelle forme de variété aux paroles crues et dont il est l’unique dépositaire. A noter les deux titres de fin des faces du vinyle qui ramènent le pédé-drogué Costes à l’âge de 20 ans, dans deux sketchs où il est mis à mal par ses parents. Ces récits hautement fantaisistes, mais que l’on imagine en partie autobiographiques, sont récurrents dans l’univers Costien et restent à chaque écoute extraordinairement jubilatoires.

Certes, écouter du Costes ne laisse pas insensible, et toutes les oreilles ne sont pas faites pour son art si singulier. Mais, il y a vraiment dans ce disque un peu tout ce qui fait son style, autant musicalement qu’au niveau des textes. Alors, si votre cœur est bien accroché, laissez-vous tenter par cette aventure sonore peu commune, vous en sortirez grandis et lavés de tous vos péchés.

Quelques titres extraits de l’album Ma Vie De Hippy de Costes





Tracklist
A1. Les Beatles sont morts
A2. Première boum
A3. Bad trip à Bombay
A4. Ketama
A5. Le blues de Jimmy
A6. Coco en Colombie
A7. Enculé à Ceylan
A8. Arrête ta musique de drogué
B1. Ma Janis Joplin
B2. Caca trip
B3. On s’encule en 69
B4. Idéologie satanique
B5. Hippy avec un fusil
B6. Je voulais être un hippy
B7. Mon fils pédé drogué
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1 Comments

  1. says: Dorian Gray

    Malgré la dimension chaotique et brouillonne de la musique de Costes, je loue son extra-lucidité sur le fantasme qu’a constitué les évènements de Mai 68. Costes est juste, et n’oublie pas les bons côtés de l’effervescence estudiantine : c’est tout à son honneur.

    Mais c’est quand il explose le mythe des années Flower Power que JLC fait « très mal » (les excès de pratiques sexuelles malsaines, les désirs sociétaux de 68 restés à l’état de rêves, l’hypocrisie, le corps vieillissant des boomers, la fumisterie de la morale libertaire, etc.) : jamais un chanteur de Paris aurait le courage de désosser ce mythe (qui constitue une réalité pour beaucoup de boomers intellectuels de St-Germain-des-Prés). JLC récure les chiottes du politiquement correct pour les mettre en devantures, sans jamais tomber dans l’aigreur ou la méchanceté. C’est toujours cru, sans pour autant être cruel.

    Costes a un potentiel explosif à en faire trembler plus d’un. Ses titres sonnent justes, et s’en est tout simplement mordant. Très bonne critique!

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