[Loco Pop #4] – Grauzone, un ours polaire à l’école du micro d’argent

GrauzoneLes années 80 : l’avant dernière décennie avant que toute la musique mondiale soit numérisée et pilotée par ordinateur. Comme l’économie, la musique ne ressemblait absolument pas à ce qu’elle est aujourd’hui, naïve, avec les accidents liés à la manipulation de vraies machines et c’est ce qui faisait son charme, le charme du tout fait main, comme au restaurant. Exemple : Grauzone d’origine Suisse , was is dass ? non ce n’est pas le nom donné à une société écran affiliée à une banque suisse, c’était juste un groupe à cran, composé de jeunes paumés helvétiques – à cause de tous ces millionnaires suisses ça donne le vertige autant d’argent,  et surtout pour éviter le métier de banquier comme papa. Inutile de rappeler la Suisse, l’autre pays des petites économies (du fromage aussi), là où les billets de banque poussent sur les pentes d’Alpages plantés discrètement par les touristes, blanchis par la neige tombant l’hiver, comme Jésus transformant l’eau en vin, pentes argentées surveillées par Davos l’esprit de la montagne, qui prophétise ses paroles à tous ceux qui comptent.

C’est hélas (mais pas par hasard sûrement) dans ce pays blanc comme neige à qui on donnerait le bon dieu sans confession que nait Grauzone en 1980. Une compilation inespérée sortie en 1998, Die Sunrise Tapes, regroupe les meilleurs morceaux du groupe. Dans cet environnement si difficile (sic), ou seule la petite musique de l’argent compte, Eisbär leur morceau phare connait un vif succès en Allemagne car chanté dans la langue de Goethe. D’après le grand père d’Heidi, ce succès outre Rhin se justifierait par le fait que les (roule)galettes Grauzone lancées à pleine vitesse sur les pentes de la montagne, qu’il a vu passer, seraient venues jusqu’à Berlin, traversant la campagne du Bade-Wurtenberg, doublant les Trabans sur les routes de l’ancienne RDA. Une histoire à dormir dans le lac, comme disent les Genevois. Soit.

Grauzone emmené par les frères Eicher, Martin et Stephan et … tiens ! Stephan Eicher, le copain de Philippe Djian l’écrivain ? oui. Eicher qui malheureusement pour nous chantera plus tard dans la langue de Molière, excelle à merveille dans ce concept new wave lorgnant cold, tout est bon dans ce LP, comme dans le birchermüesli disent les Zurichois. Et à l’écoute, on ne peut nier le talent indéniable du compositeur et arrangeur  Eicher sur cette période, les guitares rythmique discrètes accolées à la boite à rythme font merveille sur ce morceau, et fleurissent bruyamment méconnaissables un peu plus loin. Accidentellement, même le chant en allemand passe comme une lettre à la Deutsche Post, art d’autant plus difficile que beaucoup de groupes allemands se sont cassés les dents sur la prononciation gutturale mis a part Kraftwerk, DAF, XMal Deutschland pour les plus connus, il suffit de voir le cimetière teutonique (mais pas seulement, les pays de l’Est aussi) de groupe défaits en parcourant internet pour en comprendre la portée.

Le morceau Eisbär parle d’une personne marginale avec un gros vague a l’âme semble t’il : « j’aimerais être un ours polaire, dans le froid glacial, alors je ne crierais plus, tout serait plus simple ». Malheureusement aujourd’hui qui voudrait être un ours polaire ? Vu ce qu’il en reste et de la banquise, à l’époque où tout était presque différent. Le reste de l’album mérite mieux que le terme excellent, et la confiance attirant la fortune, tout l’album brille dans ce sillon musical qui n’est pas creusé et tiré par des chasse-neiges.

Les Lausannois disent que si le jet d’eau du lac touche les nuages c’est qu’il va pleuvoir de l’argent, cependant et même si c’est vrai, des disques de cette qualité au contenu frais et luxueux, on voudrait qu’il en jaillisse de terre par centaines et qu’il en pleuve tout les jours, même l’été. Tout compte fait, si ça se trouve les vinyles de Grauzone vu la qualité du « made in switzerland » sont plaqués or, j’irai les fondre quand j’aurai fini l’article … et boire un coup avec le grand père d’Heidi avant l’hiver. Tschüss.

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