Nils Frahm / All Melody
[Erased Tapes]

8 Note de l'auteur
8

Nils Frahm - All MelodyCela devrait être une belle histoire cousue de fil blanc : le septième album studio (à peu près) devrait définitivement asseoir l’aura de Nils Frahm. Ce serait logique, le fruit d’un long processus marketing initié depuis plus de dix ans. L’Allemand qui a commencé à composer en solo, tout en multipliant les nombreux projets collaboratifs avec nombre d’artistes faisant référence en leur domaine (de son ami Ólafur Arnalds à FS Blumm en passant par John Talabot et Library Tapes) était annoncé de-ci de-là et surtout par les médias qui en avaient fait leur coqueluche en sentant la hype poindre comme le nouveau phénomène néo-classique. Tout un chacun citait Debussy et Erik Satie. De surcroît l’ascension de Nils Frahm se confondait avec l’éclosion du label Erased Tapes, le label londonien devenu incontournable dans ce registre en seulement une décennie. En plus, le garçon est un « bon client », comme il incarne à merveille sa musique avec son look d’intello et de gendre idéal.

Oui mais voilà. Cela a peut-être échappé à ceux qui n’auraient pas suivi son parcours : Nils Frahm est un artiste singulier. Aussi All Melody n’est pas le disque que l’on aurait pu attendre de lui à ce moment là de sa carrière. Pour les pièces de piano mélodramatiques, mieux vaudrait retourner écouter Solo (2015) ou Felt (2011). Et pour les saynètes cinématographiques, il faut remonter à Srews (2012). All Melody est plus complexe, plus difficile d’approche, plus sombre. Pas forcément mieux, ni moins bien que ses précédentes œuvres. Il y a bien évidemment des parties de piano, mais aussi des samples de chorale, des instruments à vent, des pulsations électroniques et des envolées de synthétiseurs analogiques, du souffle et des grésillements au fil de ces douze compositions qui jouent aussi sur le temps, alternant intermèdes et longues plages sinueuses. Le compositeur refuse les codes et de policer ses compositions. Il préfère prendre à revers, de travers plutôt que de filer droit dans le sillage du succès qui lui était promis. All Melody n’est pas le disque à mettre en fond sonore lors d’une soirée entre amis et ce n’est pas le disque avec lequel les plus jeunes pourront être initiés à la musique classique contemporaine. Et tant mieux. Nils Frahm est libre et le signifie avec brio. Rien que pour le geste et parce que ces compositions restent haletantes même lorsqu’elles sont sinueuses, All Melody se devrait d’être l’un des albums les plus importants d’un artiste qui, à n’en pas douter, sera un jour considéré comme « important » pour son époque.

Tracklist
01. The Whole Universe Wants To Be Touched
02. Sunson
03. A Place
04 My Friend The Forest
05. Human Range
06. Forever Changeless
07. All Melody
08. #2
09. Momentum
10. Fundamental Values
11. Kaleidoscope
12. Harm Hymn
Ecouter

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2 Comments

  1. says: Jean-Charles

    Je partage sur le fond la critique de Denis… mais pas la note ! Un disque absolument brillant qui provoque chez moi une compulsion terrible, le relancer du debut à peine la derniere piste terminee ! C’est simple je suis incapable d’ecouter quoi que ce soit d’autre depuis sa sortie…sombre oui mais surtout tout à fait hypnotique de par ses boucles repetees à l’envi mais dans lesquelles l’artiste introduit en permanence des nuances, des modifications subtiles de patterns qui vous scotchent les oreilles. Des plages qui prennent leur temps pour s’installer mais au terme desquelles, sortant de la reverie qu’elles ont provoquees, les yeux qui brillent, on se dit qu’on a là un artiste majeur qui DOIT être ecouté.

  2. says: Denis

    Merci Jean-Charles pour ton enthousiasme. Il est vrai que le temps permettra de peut-être de réévaluer (encore) à la hausse cet album, car effectivement, il est vraiment riche. Et puis, j’adore le fait que Nils Frahm n’est pas fait un album « facile » qui lui aurait assurer de faire la BO de la prochaine saison d’une série islando-finnoise (avec des crimes glauques et des plans séquence dans la neige).

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