Pearl Thompson de The Cure fait des miracles pour Gonjasufi

Pearl ThompsonIl n’est probablement pas raisonnable d’en reparler si vite alors que l’album ne sort que dans une semaine (19 août) mais Gonjasufi continue, tranquillement et paisiblement, de lâcher des petites bombes extraites de son album à venir CALLUS. Sur le double titre qui a été révélé ces jours-ci, The Kill/ Prints of Sin, le shaman américain en est presque à se faire voler la vedette par son ami Pearl (ex-Porl) Thompson, l’ancien membre (pré)historique de The Cure et beau-frère éternel de Robert Smith. Porl, devenu Pearl depuis quelques années rappelons le, a entrepris un immense travail pour assumer pleinement sa nouvelle féminité (pour ceux que ça trouble, il ne semble pas qu’il ait encore rencontré la Grande Cisaille) mais n’a pas pour autant délaissé sa guitare. C’est elle qui emballe le splendide The Kill, hanté par la voix lugubre et angoissante du Gonjasufi.

L’attelage entre le rappeur soulman et le guitariste post-gothique est inattendu mais une excellente surprise. Thompson, que Robert Smith avait écarté une première fois du line-up de The Cure parce qu’il avait un jeu trop fleuri, y travaille dans son style caractéristique, c’est-à-dire en puissance mais avec lyrisme, dans un format anobli par des années de fréquentation du désert et de la spiritualité. Il est intéressant de constater combien ce style (développé au cours de son dernier passage dans le groupe de Robert Smith) s’accorde parfaitement d’une part aux beats (en carton) de Gonjasufi, mais aussi à sa manière de différer les « instants de vérité ». Les chansons de Gonjasufi sont souvent construites autour de longues montées « atmosphériques » semblables aux compositions de The Cure, chargées en basse et qui diffusent/infusent un même climat inquiétant et nostalgique. Les chansons culminent (et là sans rapport avec le format pop) sur des séquences souvent plus agitées où l’émotion est relâchée dans ce qui tient de refrain ou de mantra, c’est-à-dire souvent une phrase ou deux qui sont répétées en boucle.

Sans qu’on ait pu identifier encore si Thompson en était ou pas, le Gonja a lâché cette nuit le clip d’un autre morceau qui, parions le, constituera le morceau le plus uptempo et séduisant du lot : l’impeccable Vinaigrette. Le titre est cruche mais la chanson instantanément séduisante ainsi accompagnée d’un clip délicieusement arty, sophistiqué et soigné. Gonjasufi nous rappelle le Scalper de l’an dernier, virtuose, un brin marmoréen en apparence, mais classieux, souverain et d’une densité insoupçonnée, ou encore le Tricky des meilleurs morceaux, menaçant et ténébreusement viril. Callus, le nom de l’album signifie littéralement dur, au sens de la dureté d’un durillon, une forme de rugosité qui, dans ce qui tient lieu de religion au Gonjasufi, est à la fois une bénédiction (le grain de sable qui bloque le char d’assaut, le grain de sable qui paradoxalement fait tourner le monde) et quelque chose qui peut empêcher l’élévation de l’être humain. Avec un bon joint en bouche, qu’on soit hétéro ou transgenre en transition, on ne peut pas rester insensible à ce mélange de paix/guerre éternelle.

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4 Comments

  1. says: Prikstyle

    Bonjour M. Berton ! J’ai lu votre billet avec grande attention et je le trouve à la fois énigmatique et impertinent. Je ne vois pas du tout pourquoi la  » féminité « , assumée ou pas, du guitariste se retrouve à l’avant-plan de votre article jusqu’à son ultime conclusion… Vous habitez quelle planète au juste ? Vous allez me répondre la même que la mienne… Or, d’où je viens… on ne fait plus grand cas de l’homosexualité et de ses corrollaires et ce n’est réellement pas bien vu d’en faire du laughing stock… Oui, le guitariste amène une nouvelle coloration à la musique de Sufi mais ça demeure quand même du Gonjasufi. So far, nous ne connaissons que 3 pistes de son album… À moins que vous ayez des contacts spéciaux chez Warp Records, je doute que vous l’ayez écouté au complet… Peut-être un peu tôt pour affirmer que quelqu’un ait sauvé quelqu’un d’autre non ? Sinon préciser que le titre « Vinaigrette » est cruche et que sufi fait des beats en carton… Ne serait-ce pas là que de la simple mauvaise foi de votre part ??? Est-ce qu’il vous a froissé à un moment quelconque de votre existence ?

    1. Bonjour et merci pour votre commentaire. Répondons un peu dans l’ordre. Oui, Porl qui devient Pearl ne finit pas de me surprendre. Pour ceux (comme moi) qui écoutent les Cure depuis… 1984-85 (j’étais trop jeune avant), c’est tout de même une nouvelle étonnante. Si l’homosexualité est assez banale, le fait de changer de sexe est tout de même (chez moi) moins fréquent et j’avoue que cela m’intrigue…. sans que je porte un quelconque jugement sur la chose. Pour le reste, on ne s’est pas compris. J’adore cet album (que j’ai écouté en entier déjà! bah oui, c’est le privilège). Je parle du titre de la chanson Vinaigrette comme d’un titre « cruche », pas du morceau dont je dis le plus grand bien ensuite. Et pour les beats en carton c’est pareil. Gonjasufi n’est pas le beatmaker le plus fabuleux de la planète. C’est souvent répétitif et morne, une pulsation, un beat qui permet de poser le chant en mode « soufi », c’est à dire de développer le chant sur un mécanisme de répétition et d’encerclement de la conscience. D’où le qualificatif (un peu hâtif) d’en carton pour dire qu’on est pas dans du beat spectaculaire ou tape à l’oeil, du big beat ou autre chose. Et non, j’adore et il ne m’a aucunement froissé. (pourquoi en parlerais je sinon?). Nous sommes donc d’accord et j’espère que vous prendrez beaucoup de plaisir à l’écoute de cet album. Avec ou sans Pearl !!

  2. says: Dont call us we ll call you

    J’aimerais savoir si vous êtes une fille ou un homme ainsi que votre orientation sexuelle… C’est vraiment primordial pour moi afin d’apprécier votre critique en carton…

    Merci

    1. Un homme probablement désorienté sexuellement (voir photo). Je comprends mal que vous réagissiez ainsi. On peut, sans « discriminer » qui que ce soit, être surpris lorsqu’un type qu’on connaît (en tant que guitariste et homme public) depuis 30 ans décide de changer de sexe ou de prénom pour se transformer en un personnage féminin. C’est une surprise qui me semble naturelle au même titre que les gens avaient pu s’étonner que les réalisateurs de Matrix deviennent des femmes. Pour la critique en carton, il s’agit d’une info. La critique (en carton ou pas) sera pour plus tard.

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