[Playlist] – 10 titres pour fêter les 50 ans de Mai 68

Diabologum #3Révoltes, grondements, insoumissions, mais sous un axe souvent culturel (Langlois), toujours humain (puissance de la parole, dirait Godard) : Mai 68 ne risque malheureusement pas de se reproduire en cette année 2018, car la donne est pipée. Entre gouvernement imperturbable, casseurs à la dérive, étudiants incompris, fausses informations, la colère se manifeste toujours, mais elle ne dépasse dorénavant plus les news du soir. Le droit au « non », ignoré par au moins vingt années de politique égocentrique, ne peut dorénavant rallumer la mèche d’une contestation nécessaire, de plus en plus vitale et urgente.

La musique, elle-même, si l’on excepte quelques briscards toujours enragés (No One Is Innocent, Michel Cloup, Arnaud Michniak, La Pietà – en France), ne se préoccupe aujourd’hui guère de relayer chaos et anarchie. Ceux qui le font se contentent d’écrire des paroles assez floues, des paroles qui finalement ne touchent personne. Encéphalogramme plat, pop et rock coincés dans un petit périmètre nombriliste.

L’occasion de remémorer, célébrer, dix chansons, dix brulots qui souhaitaient foutre le bordel, avec lucidité, distance théorique, non sans pessimisme mais avec une urgence contemporaine souvent prophétique (qui manque cruellement à 2018).

1. Diabologum – Il Faut

Inutile de revenir sur la secousse sismique provoquée en 96 par ce troisième album de Diabologum (LE disque français que nous, fans de Sonic Youth et de My Bloody Valentine, attendions sans trop espérer – un groupe français noise supérieur à la production british et U.S ?). Classique de chez les classiques, #3(sur la référence Lithium – toute une vie) proposait des textes français parmi les plus engagés mais aussi parmi les plus ouverts. On peut tordre cet album dans tous les sens, et en particulier le violent Il Faut, en ressortira toujours différents niveaux interprétatifs : social, autobiographique, théorique, godardien, en phase avec le réel mais selon le principe de la logorrhée eustachienne. N’empêche qu’en 96, en plein mouvement des sans-papiers (oui, déjà) et d’une télévision de moins en moins debordienne, cet album, par son aspect guérilla, nous semblait nécessaire. Il l’est toujours…

2. NTM – Qu’est-ce qu’on attend

Morceau puissant, hyper explicite dans son propos, dont le ras-le-bol, toujours d’actualité, s’enrobe d’un contour plus complexe : des banlieues, le titre de Joey et Kool dérive dorénavant vers la fermeture des frontières, le racisme meurtrier, l’intolérance civique. La dénégation de l’être humain. De l’intime, NTM écrivait sur l’universel.

3. The Sex Pistols – God Save The Queen

God Save n’est pas le meilleur morceau des Pistols. Mais si l’on prend en compte le contexte social britannique de l’époque, les paroles de John Lydon (l’un des plus grands songwriters anglais, parfois honteusement sous-estimé) s’affirment comme de l’interdit enfin avoué, bafoué, comme une grenade au sein de l’institution. Il s’agit toujours de foutre le feu…

4. The Smiths – The Queen is Dead

Morrissey, qui a très bien retenu les leçons de Johnny Rotten (même s’il préférait les New York Dolls), au moment de lancer le troisième et meilleur album des Smiths, y va franco dans l’explicite : mort à la royauté ! Certes, la chanson entremêle individualisme revendiqué et brusques slogans lapidaires, mais rarement un chanteur anglais n’avait été aussi loin dans sa haine des institutions. Morrissey, cette fois-ci en solo, osera même écrire une chanson nommée Margaret on the guillotine – jusqu’à perquisition du FBI qui craignait que le Moz fomente un attentat secret.

5. Chris Knox – Liberal Backlash Angst

Nous parlions de Diabologum. Remercions ainsi la passion de Michel Cloup pour Chris Knox. Sans lui, nous aurions découvert bien trop tard cette chanson rageuse, maussade, dépitée, qui emmerde la terre entière, les bonnes comme les mauvaises initiatives. Quand la Nouvelle-Zélande tire la gueule, le verbe ne s’encombre d’aucun subterfuge. Fuck the world !

6. R.E.M. – It’s The End Of The World As We Know It (And I Feel Fine)

Génie de Michael Stipe : toujours transformer en optimisme sincère, et communicatif, les pires constats – politiques, écolos, raciaux. Si le monde tire à sa fin, c’est une bonne chose, nous dit ici Michael, sur l’un des plus joyeux refrains de R.E.M., car il y a tant de choses à réinventer ou à refaire. Toute la discographie de R.E.M. ne tourne finalement qu’autour de cette idée : le monde est beau, il suffit juste d’ouvrir les yeux pour s’en apercevoir (Rapid Eye Movement).

7. Pet Shop Boys – It’s a Sin

La révolte se niche également au sein de l’enseignement et de son premier formatage éducatif. Neil Tennant, dans ce plaidoyer autobiographique, rappelle à quel point sa différence l’exposait aux brimades et à l’humiliation collégienne de ses pairs. Les souvenirs de Neil se transforment ici en une chanson revancharde, qui fit réfléchir l’éducation anglaise confrontée à ces mots très cruels, très moqueurs, quoi que blessés.

8. The Clash – White Riot

Un titre qui renvoie également à (White Man) In Hammersmith Palais et qui  annonce le mouvement « Touche pas à mon pote » du début 80 : contre le racisme, contre la droite, pour une égalité entre les peuples, entre les sexes, entre les continents. Une chanson et un propos assez mal entendus de nos jours…

9. Primal Scream – Higher Than the Sun

Comme tout ceci est déprimant, le mieux consiste à rejoindre l’hédonisme acid house du Primal Scream époque Screamadelica : prenons des drogues, baisons, faisons la fête… Seul moyen de s’affirmer un droit de vivre ?

10. Jacques Dutronc – Et moi, et moi, et moi

Dutronc l’emmerdeur, l’opportuniste et l’anarchiste, renvoyait déjà en pleine gueule de la société française, en 66, sa bêtise consumériste, son culte du « moi je ». Facebook avant l’heure, et tout l’individualisme psychotique et mégalomane en résultant…

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