Robin Guthrie + Mark Gardener / Universal Road
[Soleil Après Minuit]

Robin Guthrie + Mark Gardener / Universal RoadA quelques encablures de la reformation de Ride, c’est un drôle de moment pour sortir un disque de ce type sans promo massive, ni perspective de tournée. On espère quand même que cet album s’écoulera lors des concerts du groupe car ce serait vraiment de dommage de sacrifier d’aussi belles chansons parce qu’on leur préfère notre propre nostalgie. Tous les fans de rock et de pop ont pu rêver un temps d’une alliance entre le meilleur chanteur (et compositeur) de Ride, Mark Gardener, et la moitié des Cocteau Twins, Robin Guthrie. C’est chose faite aujourd’hui et pour un album entier. Les talents s’additionnent rarement aussi simplement mais cela marche bien cette fois avec un résultat qui est exactement égal à la somme de ses parties, guère plus mais ce n’est déjà pas mal. L’album est en soi une bonne surprise, réconfortante, chaleureuse et qui nous réjouit à la simple idée de retrouver ces deux compères, qui tournaient ensemble de manière épisodique, en aussi bonne forme. Universal Road est un pur objet pop façonné par des maîtres artisans qui se respectent, s’écoutent et se retrouvent en terres de connaissance. Aucune dérive ou attitude de « super-groupe » ou « super-égos » ici. Ce n’est ni un album de Ride, ni un album des Cocteau Twins mais le disque a ses qualités propres et un son bien à lui.

English version below.

L’ouverture éponyme est un excellent exemple de ce qu’on trouvera sur l’album. Cela démarre par un motif délicat et efficace de guitares qui sert de rampe de lancement à la merveilleuse voix de Gardener. Les textes sont poétiques et un rien brumeux. Ils rappellent que Gardener s’est toujours bien débrouillé pour chanter les choses qu’on ne voit pas mais qu’on devine. Il y a un message derrière cette Universal Road. “Keep it simple, keep it slow. This crazy scene will make your head explode. Their putting up dreams they are cutting down sore…. I carry you wherever I go.” On peut écouter ce morceau en pensant que Mark parle du succès ou de la scène indé, d’amour ou d’amitié. Et puis on tombe sur ce formidable pont de guitares qui transforme cette gentille chansonnette en quelque chose de réellement magistral. Tout l’album n’est pas aussi bon mais le duo est fidèle à son mot d’ordre simple & slow du début. La question de la fortune et de la destinée (que faire après le succès, l’amour, la vie ?) est au cœur du projet et ce n’est pas complètement étonnant de la part d’hommes de cet âge (Guthrie a 53 ans et Gardener 45) qui ont en commun d’avoir eu du succès jeune et d’avoir ensuite choisi (ou pas) de disparaître du premier plan médiatique où leur talent les avait amené pour conduire une carrière souterraine riche mais éclatée. Le dernier album de Robin Guthrie, Fortune, date de 2012 et le These Beautiful Ghosts de Gardener a quasiment dix ans. Lors d’un concert français en 2013, Gardener avait, de manière impromptue, embarqué Guthrie (qui habite depuis des années à Rennes) dans ses bagages pour l’accompagner à la guitare. Le résultat était un peu maladroit comme les deux n’avaient pas répété ensemble le répertoire solo (et groupé) de l’Oxfordien mais avait révélé, outre un vrai plaisir à partager l’affiche, une belle complémentarité et une soif de boucler leur projet commun. Les chansons de l’album sont ici à leur meilleur quand c’est Gardener qui mène le bal avec son chant de sirène et ses harmonies cristallines. Guthrie se tient un pas en arrière et excelle dans ce qu’il sait faire de mieux : souligner une mélodie et la révéler à elle-même jusqu’à ce qu’elle sonne bien meilleure qu’elle n’est en réalité. Amnesia et Old Friend sont deux petits joyaux qui bénéficient de ce sens inné qu’a Guthrie de savoir ce qui doit être ajouté ou soustrait à un morceau pour que celui-ci fonctionne. La seconde peut être prise au pied de la lettre et sonner comme un manifeste : un type seul cherche une planque pour échapper à ses… vieux amis. Le pauvre.

Ce qui frappe avant tout sur cet Universal Road, c’est bien la qualité des titres et l’extrême générosité qui la soutient. On peut trouver l’album naïf voire niais pour l’air du temps mais l’ensemble est lumineux, honnête et plein de chaleur. La musique de Guthrie et Gardener respire le respect et l’humanisme, procure une joie sincère, même lorsqu’elle se fait triste et désespérée. Il y a bien un petit côté ridicule à appeler une chanson Cry For Survival et cela le reste jusqu’à ce qu’on entende le morceau et qu’on le chantonne, sans y trouver une once de sentimentalisme et d’affectation. Triumphant rayonne comme une chanson de The Pastels. C’est un titre solaire et radieux. Et puis il y a des chansons à la texture riche comme le fantastique Reason ou le beau Blind qui éclaircissent l’horizon. Blind, justement, qui renvoie par le texte à cette chanson fameuse de Ride (Drive Blind), à la différence près que la vitesse a été remplacée par la sagesse et la mélancolie. Ce clin d’œil final est une image parfaite de ce que les deux compères veulent nous dire avec cet album. Guthrie et Gardener ont vieilli et se sont transformés en types formidables, (un peu) amers et loyaux, qui considèrent leur parcours d’hier et de demain en s’en remettant aux hasards et aux accidents de la vie. On peut écouter leur musique avec une certaine fierté et le réconfort d’avoir marché dans leurs pas depuis si longtemps.

It is a strange agenda to have this lp out just before Ride’s reformation without almost no touring and promotion. Let’s at least hope it sells at Ride’s gigs because it would be a pity to have those beautiful songs sacrificed. Any rock and pop fan can’t dream a better dream than having the most talented Ride singer and beautiful solo act, Mark Gardener, and Robin “half-Cocteau Twins” Guthrie on the same LP and that’s exactly what we have here. Talents generally don’t add themselves so easily but this time the formula equals the sum of its parts. It does not exceed it but that is just rewarding enough and a really good surprise to find those outsiders in such a great shape. Universal Road is pure pop crafted by guys who listen to each other and share common ground. We can hear no supergroup nor superegos here. You can’t take it for a Ride album, nor a Cocteau Twins’ but it has its proper qualities and sound.

The opening song Universal Road is a good example of what you’ll find here. It starts with a delicate guitar motif which introduces Gardener’s wonderful voice. Lyrics are poetical and dreamy enough to remember Gardener has always been an expert talking about things we don’t see. This “Universal road” carries a message in a bottle: “Keep it simple, keep it slow. This crazy scene will make your head explode. Their putting up dreams they are cutting down sore…. I carry you wherever I go.” You can listen to this thinking Mark sings about success or indie scene, or about love, or friendship. Then there is this amazing guitar bridge/solo round just before the end which makes this song both seductive and magical. The whole lp is not as good as this song but it respects the simple/slow commitment from the title song. The question at the center of the lp is fortune and destiny (what to do after love & life?) and that’s not surprising considering those boys are 53 (Guthrie) and 45 (Gardener) and have shared the common history to have been successful at a young age then have mostly disappeared from the public eye to have a dense and underground clandestine activity.

Guthrie’s last album, Fortune, was in 2012 and Gardener’s These Beautiful Ghosts was ten years ago. At a last year gig in France, Gardener brought Guthrie with him to play guitar on his solo work. It was a bit awkward as they had never really played together on this material but we could feel those two were real friends and determined to do music together. The songs are at their best when Gardener is conducting by his siren singing and crystalline harmonies and Guthrie stands at the back just doing what he does best: underline the melody until it appears far far better than it actually is. Amnesia and the following Old friend are two little gems who beneficiate from Guthrie perfect sense of what has to be added or subtracted to the song to make it work. The latter could be heard as a manifesto as a solitary guy seeks for a place to hide from his old friends.

What strikes on Universal Road is the general quality of the songs and the generosity within them. It is probably a bit too naïve and generous bunch of songs to please the time but the whole thing is light, honest and full of warmth. It feels humane and can make you feel happy though those songs are sometime sad and desperate. You may find naming a song Cry For Survival a bit ridiculous and it probably is until you hear it and find it ok and not at all over-affected or sentimental. Triumphant sounds like a Pastels song. It is joyful and luminous. Then we are treated with two richly textured songs like the fantastic Reason and the nice Blind… which is not that far from the Drive Blind lyrical content of the most famous Ride song except speed has turned into wisdom and melancholy. This ending is a good image of what has become of those (un)likely lads: they have aged into wonderful men, (a bit) bitter and loyal men, who gently look their life behind and in front of them as it spreads its accidental wings. We can listen to their music with confidence and pride to have been in their steps for so long.

Tracklist
01. universal road
02. dice
03. amnesia
04. old friend
05. yesterday’s news
06. cry for survival
07. sometime
08. triumphant
09. reason
10.blind
Liens
Recevez chaque vendredi à 18h un résumé de tous les articles publiés dans la semaine.

En vous abonnant vous acceptez notre Politique de confidentialité.

More from Benjamin Berton
Deux garçons pleins d’imagination : Lol Tolhurst raconte The Cure pour l’éternité
La scène dont on se souviendra longtemps après avoir refermé le livre...
Lire la suite
Leave a comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *