Roger Goula / Overview Effect
[Cognitive Shift Recordings / One Little Indian]

Vendredi 17 novembre 2016, à très exactement à 21h20, Roger Goula avait les yeux rivés sur son téléviseur pour voir la fusée Soyouz s’arracher du sol kazakhe et emmener à son bord trois astronautes vers la station spatiale internationale qui scintille comme une étoile lointaine au-dessus de nos têtes.

Le Londonien est en effet un passionné d’astronomie et de conquête spatiale. Pour son premier véritable album, après une multitude de bandes sonores pour le monde du cinéma (les BO de Shock Head Soul et Next Goal Wins notamment) et diverses collaborations, il a trouvé son inspiration en s’imaginant observer la Terre depuis l’espace. C’est de cette position distanciée qu’il observe le monde et les errements de chacun. Probablement fallait-il que le musicien multi-instrumentiste conceptualise sa démarche artistique pour nourrir le fil narratif de son œuvre.

Il n’en reste pas moins certain, que même sans consulter l’atlas des étoiles ni être un adepte de Hubert Reeves, Overview Effect (Cognitive Shift Recordings / One Little Indian) constitue tout simplement l’un des meilleurs albums de néo-classiques publiés ces derniers temps. Rien que pour le long crescendo d’Awe qui s’embrase dans un tourbillon de violons avant de s’éteindre suspendu en apesanteur, le petit protégé de la nouvelle structure Cognitive Shift Recordings né de l’association du puissant label One Little Indian et de Manners McDade Music Publishing (maison d’édition défendant les intérêts de plusieurs artistes œuvrant dans le même courant) mérite la même attention que celle accordée à ses pairs plus capés : Nils Frahm, Ólafur Arnalds, Jóhann Jóhannsson ou encore le précurseur Max Richter ou Yann Tiersen (période 1995-1997). On serait même tenté de considérer que Roger Goula réussit un incroyable tour de force dès cet essai inaugural en synthétisant l’ensemble des qualités des précités. Ces huit longues pièces sont riches en tension, mise en abyme, sublimation. Les instruments acoustiques (violons, violoncelle, piano, cuivres…) sont étroitement imbriqués avec les apports électroniques et autres effets de productions (bruitages, bande enregistrée, crépitement, …) et ne permettent pas une approche analytique de cet album très abouti. La science est submergée par l’émotion. La puissance des mélodies emportent la raison, dévastent les pensées intimes, emballent le cœur, étreignent la gorge. Exsangue, bouleversé, et pourtant transporté par un profond espoir, on a effectivement l’impression que Roger Goula nous a arraché à l’apesanteur et nous place comme l’observateur de notre propre vie.