Chéri ouvre sa malle aux trésors

ChériMystérieuse, brillante, ne restant jamais en surface, la chanteuse trans et queer Chéri doit son nom à l’œuvre de Colette. Elle sort son nouveau morceau Mi corazón en duo avec l’artiste Maria Blaya.
Partons à la rencontre de ce personnage brut que l’on imaginerait surgi des univers de Fassbinder, Melville ou encore Dario Argento.
Dans ces échanges pour Suns Burns Out, il est question de ses inspirations cinéphiles et littéraires. Ses goûts sont à l’image de sa musique : baroques, pop et sombres.

Peux-tu nous présenter ton nouveau morceau Mi corazón en duo avec Maria Blaya ? 

Il exprime la solitude des personnes comme nous, et le fait de vivre une expérience similaire avec quelqu’un vivant pourtant loin de toi. Maria et moi sommes des personnes queer et aborder ce sujet a été comme une évidence quand nous nous sommes rencontrées. Au départ, elle devait seulement composer la chanson, mais en session de production nous avons partagé un énorme feeling et nous en avons conclu que ce serait un duo. Quand Maria m’a envoyé le texte, une phrase m’a bouleversée et faite pleurer : « On se connait pas bien, mais juste à te regarder, je sais qu’à l’intérieur de toi tu gardes un trésor secret ». Je venais de prendre la décision à ce moment-là de commencer ma transition. Dans le clip que j’ai co-réalisé, je voulais que Maria ait ma bouche, mes yeux, mes sens dans un monde qui me fait très peur. C’est pourquoi dans le clip parfois elle lip-sync pour moi.

Pour beaucoup de chanteurs et chanteuses, le clip est une corvée car il a une durée de vie assez courte et c’est aussi une autre discipline en soi. Comment abordes-tu cet exercice ? 

C’est mon truc préféré. Quand j’écris une chanson, j’ai le clip en tête. C’est donner vie à un morceau. Je suis passionnée de cinéma.

Justement quel rapport as-tu au cinéma ? Et quelles œuvres t’ont particulièrement inspirée ? 

Le cinéma est ce qui m’inspire et me bouleverse le plus… Plus qu’une chanson ou un livre même. Je crois ne pas être trop snob et rester ouverte à beaucoup de genres. Je regarde parfois cinq films d’horreur par semaine, des plus mauvais aux meilleurs. Je peux passer un bon moment devant un nanar parce que j’en aurai rigolé avec une amie.

  • Cria Cuervos de Carlos Saura : c’est mon film préféré, celui qui m’a le plus marquée pendant mon enfance avec cette chanson incroyable, Porque te vas.
  • The Hours de Stephen Daldry : je suis passionnée par Virginia Woolf qui est mon autrice favorite. Et ce film retranscrit parfaitement tout ce qu’elle était.
  • Dracula de Francis Ford Coppola : visuellement, c’est le film le plus beau que j’ai vu de ma vie… Les lumières, les costumes. Avec cette scène où ses larmes se transforment en rubis… C’est magnifique.
  • Pearl de Ti West : la performance de Mia Goth est impressionnante, surtout lorsqu’elle crie « I’m a star”.
  • Mean Girls de Samantha Jayne et Arturo Perez Jr : mon film de chevet, quand j’ai besoin de m’endormir tranquillement je me le mets. Quelle perfection !
  • Kuzco de Mark Dingal : super personnage. J’aimerais écrire un film avec le même protagoniste dans un univers extérieur. Il est à la fois odieux, passionnant et adorable.
  • Dancer in the Dark de Lars Von Trier : ce film est un cauchemar. Je ne savais pas du tout de quoi ça parlait avant de le voir, ni comment ça allait se terminer. Je l’ai regardé une nuit où je n’arrivais pas à dormir et je suis restée scotchée alors que le film est assez long. Après ça, c’était encore plus compliqué de s’endormir ! La mise en scène et l’écriture sont dingues. J’ai aussi beaucoup aimé Melancholia.
  • Paris is Burning de Jennie Livingston : c’est un film important pour moi et ma communauté. J’ai le coeur brisé dès que je pense à ma soeur Venus Extravaganza…
  • Bye Bye Tiberiade de Lina Soualem : Free Palestine. Rien à dire de plus.
  • Conjuring de Michael Chaves : meilleur film d’horreur du monde. Les acteurs.ices y sont vraiment incroyables.

On termine par une liste de livres ? 

  • Comment sortir du monde, Marouane Bakhti : Magnifique, c’est de la poésie en prose hyper fluide… Je recommande à tout le monde de le lire. Je l’achète d’ailleurs à tous mes amis.
  • Traverser les murs, Marina Abramovic : C’est l’autrice la plus inspirante du monde, j’aime sa façon de voir l’art, le corps des artistes et le parcours anticapitaliste qu’elle a mené jusqu’à présent.
  • Cent dix-sept poèmes, Emily Dickinson : La poétesse qui me brise le coeur… Sa vision du monde me touche beaucoup.
  • Orlando, Virginia Woolf : C’est le livre qui m’a le plus marquée et qui a une résonance très particulière avec mon histoire personnelle. Quand j’ai l’ai lu pour la première fois, je rêvais de me réveiller un jour dans le genre opposé au mien.
  • Scum Manifesto, Valérie Solanas : C’est génial et hyper violent. Il ne faut pas le lire au premier degré, il faut y prendre ce qui nous touche et laisser de côté le reste. Je recommande de voir le doc d’Arte sur elle, J’ai tiré sur Andy Warhol.
Recevez chaque vendredi à 18h un résumé de tous les articles publiés dans la semaine.

En vous abonnant vous acceptez notre Politique de confidentialité.

Mots-clés de l'article
Écrit par
Plus d'articles de Adrien Viot
Frank Loriou : l’homme aux 300 pochettes
Il était temps de s’arrêter une heure avec Frank Loriou graphiste et...
Lire
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *