Didier Wampas / Punk Ouvrier
[Harper Collins]

6.8 Note de l'auteur
6.8

Didier Wampas - Punk OuvrierSans être un fan inconditionnel ni un fin spécialiste des Wampas, on se disait bien qu’il y aurait quelque chose d’intéressant ou/et de drôle à glaner dans ce premier livre autobiographique signé par Didier Wampas, (petit) monument national et incarnation parfaite, sur ce qu’on en savait, d’une éthique punk irréprochable, incorruptible et en partie en voie de disparition. La lecture de ce punk ouvrier (du nom d’un des morceaux du groupe) qui sort ces jours-ci, et intègre donc automatiquement notre liste de « cadeaux de Noël » possibles, nous a conforté dans cette idée que le bonhomme était plus que sympathique, animé par des intentions qui des années 80 à nos jours étaient invariables, constantes et nobles.

On ne va pas se lancer ici dans une paraphrase de ce que vous trouverez dans ce livre assez bref (un peu moins de 200 pages) consacré à une carrière plutôt longue et qui a légèrement dépassé les quatre décennies désormais. Issu des âges farouches du punk français (le nom du groupe et du bonhomme sont empruntés à la BD Rahan d’où notre expression pleine de malice) Didier Wampas démarre sa carrière musicale en mode psychobilly punk avant d’élargir parfois et progressivement son chant d’intervention artistique. Plus punk, rock français, alternatif, ou « chanson » (qui n’est pas un gros mot) selon les époques, Wampas et les Wampas (il officiera aussi sur le tard en solo ou en groupe familial), composent, chantent et écrivent beaucoup. Ils jouent vite, écrivent vite, et s’assemblent et désassemblent au gré des envies, des opportunités, des départs/arrivées (on notera parmi les faits majeurs le suicide du comparse brillant Marc Police en 1991, qui marque un changement majeur du line-up), proposant une folle caravane dont l’écriture souvent inspirée, imaginative et directe de Didier est le ciment et le moteur. Le chanteur étant ce qu’il est, c’est-à-dire le phare et souvent l’unique objet d’attention du groupe, les Wampas s’incarnent presque tout entier dans leur frontman/leader qui, au début, ne fait que chanter puis, par la force des choses, fera ensuite tout le reste jusqu’au moindre détail (les pochettes), sans, en apparence, être frappé de la manie du contrôle de certains de ses homologues. Le livre est organisé chronologiquement en prenant pour appui la succession des albums du groupe, avec notamment une reprise analytique de chaque texte de chaque disque, assortie de son commentaire par l’artiste.

On suit avec plaisir et attention les sources d’inspiration de Didier qui n’hésite pas à mêler visions et petits faits vrais, la plupart des textes étant nourris par des « expériences », des situations de tous les jours ou des rencontres/voyages/vacances, qu’il va transformer en associations poético-pop souvent fascinantes. Cette plongée dans sa mécanique de composition est ce qu’il y a de meilleur dans l’ouvrage.

Ce parti pris calé sur la discographie studio ravira ceux qui connaissent les disques par cœur. Il donnera envie aux autres de picorer en fonction de la lecture dans la grande playlist à ciel ouvert de leur discographie, mais enferme quelque peu le bouquin dans un rituel (j’enregistre/je commente) qui n’est pas le plus rigolo et toujours le plus intéressant à suivre. Le propos est néanmoins vif et les commentaires apportés par Wampas « de l’intérieur » souvent savoureux. On avoue avoir bien ri à l’évocation d’un certain festival où le groupe se retrouve avec Patricia Kaas et Yannick Noah, mais c’est malheureusement la seule fois où Wampas (on ne sait pas pourquoi) s’autorise de vrais jugements de valeur punk et vacheries. Pour tout dire, on aurait pensé qu’un type aussi extravagant sur scène et radical aurait eu un jugement plus sec et tranchant sur le cirque variétoche français. Au lieu de ça, tout en gardant ses distances et en ayant bien pris soin de ne jamais se compromettre ou approcher jusqu’à l’idée de mettre de l’eau dans son vin, Didier Wampas signe un ouvrage où l’on croise quelques éminents personnages de l’industrie du disque et de la chanson française sans égratigner personne, ni revendiquer quoi que ce soit. D’aucuns y verront peut-être une volonté de ménager l’avenir (sait-on jamais) mais il s’agit plus sûrement d’un signe qu’il n’en a rien à faire et se concentre sur ses envies plutôt que de s’embarrasser des gêneurs.

C’est à la fois très bien (dignité absolue) mais moins marrant que de lire les mémoires caustiques d’un Luke Haines ou pire, d’un Mark E. Smith, qui étaient/sont punk et vaches jusqu’au bout des ongles. On se satisfait néanmoins de suivre l’odyssée pas à pas, le passage par BMG et ses grands moyens, le moment où les Wampas ont vraiment eu (ou failli avoir) du succès, le sourire aux lèvres. Oui, il est possible de faire cette carrière en restant sobre et en bossant à la RATP. Dommage que le bouquin n’en parle pas plus et plus concrètement. On aurait bien pris quelques anecdotes de boulot comme celle où Jack Lang écrit à l’entreprise pour que Wampas négocie le sans solde ou la pose de congés qui lui permettra de partir en tournée. De la même manière, Wampas ne s’attarde pas sur ce qui se passe au sein du groupe (copains ? pas copains ?) ou dans sa propre vie. Il mentionne son épouse actuelle mais n’évoque pas les groupies, sa vie en tournée, finalement assez peu son tempérament qu’il ne traite très professionnellement que dans son rapport au studio. Est-ce par ce qu’il n’y a rien à dire ? Est-ce parce que cela ne nous regarde pas ? On est sûr qu’il y avait des tas de trucs qui nous auraient intéressé et qui sont restés aux portes du récit.

Punk ouvrier est donc un livre divertissant, estimable et qu’on peut lire, ne serait-ce pour se convaincre que certains artistes ont des valeurs, que le rock alternatif n’est pas mort (et pas à acheter avec des chèques, des plateaux télé, des hommages). On l’aurait aimé plus vigoureux, plus offensif et…punk, énergique et aussi audacieux qu’un Wampas sur scène. Ce sera peut-être pour une autre fois.

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