Jean-Louis Murat (1952-2023) se fâche avec tout le monde

Jean-Louis Murat Il l’avait chantée et défiée tant de fois qu’on n’aurait pas pensé ce matin en découvrant la nouvelle sur les réseaux qu’elle ait pu le cueillir si vite et si tôt. La mort passait par l’Auvergne hier et l’a pris dans ses rets. Jean-Louis Murat, chanteur montagne et poète des sommets, est mort jeudi 25 mai à l’âge de 71 ans.

L’écrire aussi simplement fait mal au ventre, au cœur, aux yeux. L’écrire si mal nous renvoie aux 1001 manières qu’il a eu d’entonner le temps qui passe, les échines courbées, les têtes baissées et les coups bas, la perte, la flamme, le sang qui pétille et refroidit. On aura abusé des superlatifs pour dire la beauté de sa langue, l’audace de son verbe, le charme de sa voix. On a ri sur scène à ses saillies ironiques, dépressives, colériques ou comiques jusqu’à l’an dernier pour une dernière séance qui n’aurait pas dû l’être. On se sera parfois un peu ennuyé de ses mauvais jours, plaint de sa sophistication, de son affèterie. Country ou pop, rock ou chambre. Murat était tout mais tout le temps lui-même, western et roots, fou à (dé)lier dans le bon sens du terme, amok et amoureux, nature et naturel. On aura frémi d’amour pour lui et on l’aura remercié de nous avoir aidé en chansons à nourrir notre propre sensualité. Jean-Louis Murat était le poète de la chair et du chant, le poète des temps révélés, désolés et d’espérance, capable de « faire moderne » tout en célébrant le Moyen-Age, de jurer en alexandrins, de célébrer en détruisant, d’élever en abaissant. Murat portait sur lui toutes les contradictions et toutes les promesses et livrera tout au long d’une carrière démarrée dans la douleur au début des années 80, à son sommet médiatique et sans doute artistique durant toute la décennie qui suivra, puis dans une clandestinité souveraine et suprême, des disques, plus d’une vingtaine, qu’il nous faudra probablement une vie pour redécouvrir.

Le best of qui est annoncé pour demain ne pouvait espérer pire… ou mieux. La gloire en chansons tiendra lieu d’oraison funèbre. Au sommet de la Croix Morand, entre les lacets et les cyclistes, il se dit qu’il y avait ce matin des neiges pleureuses aux allures éternelles. L’Ange déchu a trouvé le chemin du retour. Ce n’est pas très malin de mourir au printemps.

MAJ du 25/05/23 à 18h15 : le musicien aurait été emporté par une embolie pulmonaire, selon Libération.

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