Junkie XL / Furiosa : A Mad Max Saga
(Original Motion Picture Soundtrack)
[Water Tower Music / Warner Music]

4.8 Note de l'auteur
4.8

Furiosa a Mad Max sagaCe n’est pas la première fois qu’on évoque le travail du Hollandais Volant, Tom Holkenborg, aka Junkie XL, et ce n’est sans doute pas la dernière. Le compositeur évolue désormais dans la cour des grands. On avait loué son travail sur Godzilla vs Kong et même sur Sonic 2. Holkenborg est désormais préposé aux blockbusters et satisfait ses employeurs puisqu’après avoir assuré les scores pour Sonic, les Godzilla (New Empire cette année), il rempile sur Mad Max pour lequel il avait déjà signé la musique de Fury Road.

En tant que musicien, Junkie XL, avant de faire un peu plus dans la délicatesse à compter du début des années 2010, était réputé pour son gros son. Il n’a donc aucun mal à trouver son chemin dans des commandes qui privilégient souvent le rendu épique aux intrigues de salon. Mettre en son une baston entre deux méga monstres ou des affrontements entre une armée de motards clodos et des pygmées aborigènes kamikazes demande un savoir-faire qui est bien spécifique et pour lequel Holkenborg propose un bon compromis entre bruit, fureur et une touche d’humanité ou de sensibilité. Avec Furiosa, Holkenborg doit donner une identité sonique à un univers très spécifique : rétro-futuriste, barbare et en même temps à mi-chemin entre l’épique, le picaresque/burlesque (Dementus est un roi ridicule, avec un nez en plastique, et des attitudes bouffonnes évidentes) et le fantastique/horrifique. Furiosa ajoute à cela un impératif : faire légende, ou donner l’idée qu’on assiste à la construction d’une mythologie, ce qui implique d’ajouter au tout une pincée de solennité mystique ou de densité spirituelle. Pour rendre ça, le compositeur choisit assez opportunément de mêler des ambiances vaguement traditionnelles (le soufisme souffreteux de The Promise) à une sorte de chaos musical post-industriel qui vient découper les rares mélodies à la tronçonneuse et foutre la trouille à tout bout de champ.

L’ouverture est plutôt bien fichue avec une mise en scène hautement dramatique, soutenue par un crépitement électro, qui précède un surprenant passage prophétique sous forme de narration. Avec des échos dunesques à l’arrière-plan, le récit mythologique s’ouvre, un poil trop haut peut-être pour ce que Miller va en faire, mais avec une réelle ambition. Le reste sera moins intéressant avec une expression renouvelée (et électro) d’inquiétude et d’angoisse (Dementus) et un crescendo qui n’aboutit à pas grand chose. La BO va souffrir tout du long de son souci permanent de faire peser une tension extrême sur le récit sans avoir grand chose à exprimer par elle-même. On a souvent la sensation ici que Holkenborg fait du son pour le son et que sa BO est un tout petit accessoire (voire un accessit) des images, mais n’a pas grand chose à dire en elle-même.

Cela peut passer quand on regarde le film mais lorsqu’on écoute la musique sans Furiosa, on se rend compte que tout ceci est un peu toc et creux, une série d’effets de manche qui ne marchent pas tout à fait. You Are Awaited redémarre sur une petite moitié dans ce creuset électro dark qui servira de refuges aux transitions avant d’être zébré de points de tension très très appuyés où les percussions accompagnent un crescendo qu’on croit déjà avoir entendu à la note près dans Kong.Holkenborg répète le mouvement sur les deux pièces qui suivent : électro bouillasse avec montée en tension sur The Bear et You’re Scum, mettant en pratique ce qui relève clairement d’un pur procédé.  On pourra arguer que le film lui-même bégaie un peu et nous offre des scènes assez répétitives pour ceux qui ne goûtent pas spécialement ce genre de films mais il y a dans le bestiaire de Miller plus de variété qu’il n’y paraît et en tout cas plus de sources de distractions que dans la paraphrase malhabile qu’en donne Holkenborg.

Le compositeur fait un peu de musique sur les plages suivantes avec le beau Wives’ Quarters, pièce à cordes qui nous donne l’occasion de respirer et de redresser la tête. Que c’est beau ! Que c’est haut  On dirait de la foutue musique classique. On aurait aimé du reste que le compositeur essaie de pousser, dans son travail en continuité sur la saga, quelques thèmes iconiques ou fil rouge entre les films. Mais visiblement cela ne faisait pas partie du cahier des charges. Après un beau The Wig and the Seed, et un bon usage des choeurs, on va vite replonger dans la routine d’une action débridée avec un The Stowaway, droit et fort comme à la parade. Holkenborg intrique instruments traditionnels et électroniques pour faire monter la sauce. La seule question qui se pose (le morceau dure plus de 8 minutes) est : quand est-ce que ça va exploser ? La réponse : jamais vraiment. Ou alors par enjambement après la jolie relâche spirituelle de Fata Morgana (peut-être le morceau le plus énigmatique et poétique, ici, en une minute) dans le brutaliste et chaotique Gastown. C’est la guerre, la parade viriliste et mécanique des découpeurs. Comme c’est la tradition, ce sont les cuivres qui occupent ensuite le premier plan, posé sur un tapis de percussions mi-éteint, mi-sombre. Pour dire la chose clairement (A Noble Cause et encore plus The Bullet Farm), on s’ennuie à crever parce qu’on fait face presque exclusivement à une « musique d’effets » et pas à une « musique de thèmes ». Tout se répète, tout se ressemble, si bien qu’on ne ressent aucune identité spécifique à cette BO.

La dernière ligne droite ne permettra pas de sauver l’ensemble. Entre abus cuivrés et percussions assourdissantes (The Darkest of Gods), on est trop contents d’en finir avec ce tintouin flippant et abrutissant pour revenir au dialogue prometteur du début sur le final Epilogue. Ce n’est pas brillant mais au moins on se repose. Heureusement que Miller a fait le travail et monté son western au cordeau. C’est le réalisateur seul qui fait de Furiosa un grand film qui se regarde car, pour une fois, côté BO, il n’y a pas grand chose à sauver. Aucun thème intéressant, aucune subtilité, une bouillie ambient et on en passe : Holkenborg, pour la première chez nous, se rate dans les grandes largeurs et se laisse avaler par son sujet. C’est dommage, mais on ne réécoutera pas la BO seule à moins d’être payé très cher.

Tracklist
01. The Pole of Inacessibility
02. Dementus
03. The Promise
04. You Are Awaited
05. The Bear
06. You’re Scum
07. Wives’ Quarters
08. The Wig and The Seed
09. The Stowaway
10. Fata Morgana
11. Gastown
12. A Noble Cause
13. The Bullet Farm
14. Dementus Is Gaining
15. Dementus’ Diatribe
16. At The Dawn of War
17. The Darkest of Gods
18. Epilogue (From Furiosa)
Ecouter Tom Holkenborg - Furiosa : A Mad Max Saga

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