[Playlist] – In The Trip #13

In The Trip #13A l’heure où les vieilles gloires n’en finissent pas de faire long feu (The Cure, Suede, Stereolab), de raviver le brasier de leur jeunesse (Saint Etienne, Doves) ou de connaître un improbable retour de flamme (Pulp, Tortoise), on peut néanmoins faire d’excitantes découvertes.

01 – C.Y.M. / Life of Mine [feat. Day Wave]

En suivant avec fidélité toutes les parutions de Day Wave, on découvre aujourd’hui C.Y.M., projet réunissant Chris Baio (Vampire Weekend, Baio) et Michael Greene (Fort Romeau). Ces deux-là se sont acoquinés pour réaliser un premier album qui comptera un bon nombre d’invités selon une habitude propre aux rats de studio qu’on croyait obsolète. Grâce à une production léchée qui laisse entrevoir leurs appétences krautrock et shoegaze, le duo préfère la proximité du salon plutôt que de bander les muscles comme Archive, qui, avec peu ou prou les mêmes ingrédients, s’imagine encore pouvoir remplir un stade de foot.

02 – Computer Kill / Must Have Been a Dream

Eu égard à la difficulté de trouver des informations fiables à propos de Computer Kill, il faudra excuser le petit retard à l’allumage : Must Have Been A Dream n’est pas le dernier single du groupe de Baltimore (ils en ont divulgué trois autres en 2025, toujours uniquement sur les plateformes de streaming), mais ce tube aux influences post-punk – et terriblement sautillant – bénéfice depuis peu d’une vidéo mettant en scène le groupe. Et il faudra s’en contenter, en attendant que le groupe se décide à compiler toutes ses chansons dans un album en bon et due forme, pour faire danser les romantiques.

03 – TRAITRS / Burn In Heaven

Et au cinquième album, la prophétie se réalisa. Le duo canadien TRAITRS vient d’annoncer la parution du successeur de Horses In The Abattoir (Freakwave – 2021), et ça suffit pour susciter la croyance. Il faudra bien un jour succéder à The Cure, et ce premier single au nom programmatique sonne comme un message d’un prêche par les nouveaux guides de la cold-wave. Comme toujours, c’est la voix de Shawn Tucker qui sublime cette composition à la rythmique martiale et zébrée de ligne de guitares glaciales. Ce genre de ligne de chant qui touche en plein cœur et qu’on peut hurler en serrant les poings, qui arrive sans tarder et comme TRAITRS n’est jamais ingrat, elle tourne à l’envie.

04 – House of Harm / Away Above

Lancé dans le sillage de Editors et She Past Away avec un premier album post-punk remarqué (Vicious Pastimes – 2020), House of Harm a pris la tangente, au risque de perdre quelques-uns de ses suiveurs tout de noir vêtu, en optant pour une production synth-pop marquée du sceau des 80’s (Playground – 2023). Le groupe de Boston revient avec une longue ballade évidemment noire, évidemment romantique, entre confession et ellipse cinématographique, abattement et agitation intérieure.

05 – Crushed / Exo

Le temps qu’on suive le bon filon de Funeral Party (label qui soutient aussi Death Bells, Fearing, Night Sins et surtout Topographies) à l’occasion de leur premier EP (Extra Life – 2023) et Crushed avait déjà signé sur Ghostly International, ce qui devrait leur permettre d’élargir significativement leur auditoire. Il faut dire que Bre Morell et Shaun Durkan ne sont pas les perdreaux de l’année et n’en sont pas à leur coup d’essai (ils ont déjà réalisé des albums chacun de leurs côtés avant de se constituer en duo). Pour leur premier album, enregistré à distance, ils brassent allégrement leurs influences en injectant une bonne dose d’électro, voire de trip-hop, à leurs compositions indie-pop bien 90’s, n’hésitant pas à faire de méticuleux montages sonores. Avec une production musclée, ça claque tout en gardant de l’âme.

06 – Still Blank / Ain’t Quite Right

Still Blank est un tout jeune groupe qui se cherche encore. A tel point que s’il n’a enregistré à ce jour que trois titres, le duo les livre dans des versions différentes, comme s’il hésitait encore entre les options de productions possibles. Plutôt qu’en mode acoustique, c’est dans sa version krautpop qu’on préfère Ain’t Quite Right parce qu’on peut alors apprécier la tension qui les anime et les conduit à déchirer le cocon des codes. Si on pourrait y trouver des airs de familles avec Jane Weaver pour le chant, on s’amuse à imaginer un croisement entre Appliance (groupe à l’influence trop mésestimée) et Fujiya & Miyagi.

07 – Royel Otis / I Hate This Tune

Forts d’un premier album de bonne facture en 2024, Royel Otis s’est fait un nom avec des mélodies de power-pop bubble-gum. Profitant de ce buzz, le duo a signé sur la major Capitol Records pour avoir une chance de se faire connaitre au-delà du pays des kangourous au moment de son second album. Bien évidemment, on entend qu’il y a eu des moyens alloués à la production mais sans que cela ne galvaude la sincérité de l’ouvrage. Ainsi sur l’introductif I Hate This Tune, on succombe à cette mélodie croisant l’évidence de la surf music torve de The Drums et les états d’âme adulescents typiquement bedroom-pop de Girl In Red (avec qui les accointances sont nombreuses sur l’ensemble de l’album).

08 – Nation of Language / In Your Head

Alors que parait enfin leur quatrième divulgué en bonne partie au fil des singles balancés sur la toile dans une campagne de promotion bien orchestrée par Sub Pop (mais un peu agaçante pour qui aime découvrir les œuvres dans leur entièreté), difficile de passer sous silence ce parfait exercice de synthwave, encore un, signé Nation of Language, ne serait-ce que pour ce changement de pied au détour d’un riff de guitare aigrelette. Placé en fin d’album, In Your Head résume bien tout le talent du trio de Brooklyn qui s’impose, avec la conviction de ceux qui creusent le même sillon sans en déroger, comme une version moderne d’OMD et plus encore de Talk Talk.

09 – Goth Babe / The Tongass

Cette fois-ci, les algorithmes se sont fait abuser par le nom de l’artiste, Goth Babe, mais ça nous conduit à croiser le mec le plus cool depuis l’éclosion du trublion MacDeMarco ou du foutraque John Maus. Griff Washburn est un joyeux idéaliste embarqué sur son voilier, baptisé Lola (comme son premier album, auto-produit en 2024) à la découverte de la côte Pacifique avec pour seule compagnie son chien. Et quand il met pied à terre, c’est pour prendre la route en camping-car et aller à la pêche, faire du snowboard ou du surf. Au gré de cette itinérance dont la liberté et la légèreté font rêver, il enregistre des bulles de bedroom-pop et donne des concerts de-ci de-là dont il reverse les recettes à des organisations environnementales – quand on vous dit que ce type est cool ! Dans ces conditions spartiates, il s’accommode de l’économie de moyens (une boite à rythmes, un échantillonneur, une guitare mal accordée) avec beaucoup de malice en déployant des astuces pour placer ses mélodies vocales sur différents plans. Le citoyen du Tennessee devrait vérifier si son arbre généalogique ne compte pas des origines scandinaves vu la ressemblance avec The Embassy et The Radio Dept.

10 – TTSSFU / Forever

Ce n’est pas un hasard si Partisan Records s’est penché sur le cas de TTSSFU, projet solo de Tasmin Stephens, guitariste au sein du groupe Duvet qui ne semble pas avoir franchi le pallier des pubs du centre de Manchester. La jeune anglaise qui fait déjà preuve d’une forte personnalité et sait déjà parfaitement jouer des codes du glamour revendique des influences convenus (« Blondie et Lou Reed, Kurt Cobain et Courtney Love »). Mais ses premiers émois enregistrés dans sa chambre avec GarageBand empruntent les mêmes chemins de traverse que Soccer Mommy et Girl In Red, en adjoignant à sa power-pop fébrile une forte propension de shoegaze allant de Cocteau Twins à My Bloody Valentine.

11 – The Mary Onettes / Without This Body

Après vingt-cinq d’existence, quatre albums et une douzaine de EPs, on peut affirmer que The Mary Onettes fait figure de taulier de la scène pop scandinave. Quand ils divulguent le premier comme le quatrième morceau de leur prochain album, Sworn à paraitre mi- novembre, on se gratte la tête brièvement pour essayer de pointer le changement. En vain. Et on abandonne volontiers cette quête de l’originalité. Ce nouvel album devrait ressembler en tout point à ses prédécesseurs mais il faut moins d’une minute pour être convaincu qu’il s’agit du groupe originaire de Jönköping (on n’est pas sûr que leur environnement ait influé sur leur musique mais ce nom sonne comme une destination tellement exotique !). Comme à l’accoutumée, les Suédois divulguent une mélancolie bienheureuse qui soigne les chagrins et alimente les espoirs.

12 – UFOs (Phoenix, Braxe + Falcon) / UFO

On adore les uns de longue date pour leur pop élastique (Phoenix), quand on ignore poliment les exercices house des autres malgré d’indéniables qualités (Braxe + Falcon, qui ont longtemps collaboré avec Daft Punk). Amis de longue date malgré les différences de classes générationnelles, ces six-là peuvent se targuer d’avoir largement contribuer à placer Versailles sur la carte musicale (alors qu’on peut confirmer qu’il ne s’y passait alors strictement rien !) en participant aux plus belles heures de la French Touch. Ces temps sont révolus depuis un bon moment et lorsqu’ils collaborent aujourd’hui sous le pseudo d’UFOs, ils accouchent d’une ballade à haute teneur mélancolique. Autant dire que c’est une indéniable surprise.

13 – Sidney Minsky Sargeant / New Day

New Day conclue cette compilation comme il clôt Lunga, le premier album de Sidney Minsky Sargeant, une œuvre qui aura probablement besoin de temps pour s’imposer dans ce monde qui va trop vite, mais s’affranchira sans nul doute de ses affres. Parce que c’est une chanson de fin mais qui est pleine de promesses. L’une de ses chansons lumineuses, justes, posées au bon endroit et énoncées sur le bon ton dont le seul défaut est de susciter la frustration en ne répétant pas un refrain qui, de fait, n’en pas un.

Écouter aussi :
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