On ne présente plus la Red Hot Organization, cette association américaine à but non lucratif qui, de la séminale Red Hot + Blue en 1990 à la gargantuesque TRAИƧA qui vient tout juste de sortir avec ses 46 titres réunis en un coffret de 6 vinyles en passant par la très indé Dark Was The Night co-produite en 2009 par 4AD, a produit des dizaines de compilations visant à promouvoir à travers la culture la lutte contre le SIDA mais aussi dorénavant l’égal accès aux soins ou la défense des questions d’identité. Voilà bien un sujet de société encore bien clivant et les derniers pseudos débats autour de fake news sur les futurs programmes d’éducation à la sexualité dans notre système scolaire montrent bien à quel point on est loin d’en avoir fini avec l’assignation de genre, y compris chez un bon nombre de personnels de l’éducation nationale. Les conservateurs de tous poils et leurs cris d’orfraie peuvent dormir sur leurs deux oreilles ; aucune révolution du genre en vue.
Pourtant, tous les jours, adultes, plus ou moins jeunes, vieux parfois, enfants et leurs parents sont confrontés à cette réalité qu’est l’identité de genre. Il s’agit d’y faire face avec beaucoup d’intelligence et énormément d’amour. C’est le cas de Sade Adu. 14 ans après son dernier album, Soldier Of Love, la nigériane distille ses nouveaux titres au compte-goutte et le dernier en date, ce Young Lion qui ouvre la version « selects » de TRAИƧA est tout simplement une merveille de tendresse léthargique adressée à celui qui naquit Ila, garçon dans un corps de fille, avant de devenir il y a quelques années Izaak Théo, son fils. Elle qui l’a pourtant toujours laissé devenir qui il était livre un texte poignant où se mêlent à un soupçon de culpabilité (Forgive me my son, I should have known), une grosse dose d’amour maternelle et beaucoup de fierté. Le morceau est littéralement envoutant, habité, porté par une voix qui n’a jamais failli et que l’on retrouve chaque fois avec la même intensité. Et que dire de cette vidéo particulièrement émouvante sur laquelle la chanteuse partage, en un véritable geste pédagogique, de nombreuses vidéos de famille où, de la naissance à l’âge adulte, on assiste, comme une évidence, à la transition d’Ila à Izaak.
Sade Adu est une icône. Son histoire n’était pas inconnue des amateurs de gossips en tous genres mais pour les autres qui la découvrent, Young Lion renforce encore un peu plus ce statut d’artiste unique et majeure, sans doute trop rare, mais dont la grâce irradie à chacune de ses apparitions.