À peine le temps d’écouter le nouvel (et superbe) EP de Hørd que le label Anywave (avec Manic Depression Records) dégoupille une grenade. Troisième album des Italiens Schonwald, Between Parallel Lights est un mur sonique qui devrait marquer l’année 2015. En dix titres, Alessandra Gismondi et Luca Bandini puisent certes parfois dans l’évidence shoegaze (explicitement MBV, « Lux » ferraille sévère) ; sauf que la musique rétroviseur ne fait guère partie des objectifs de Schonwald. Pas du tout passéistes, les dernières compositions du duo évoquent une aberrante monstruosité : comme un croisement mutant entre Pornography (The Cure) et le plus malade des Krautrock imaginé par une soudaine résurrection de Neu ! Sec, direct, diaboliquement punch, Between Parallel Lights est en osmose avec les courts intitulés qui en forment l’ossature : « Inland », « Shatter », « Directions » ou bien « Fury ». Pas le temps de se répandre en baratin, l’urgence prédomine.
Schonwald, définitivement, gagne aujourd’hui sa place parmi les sorciers sonores – ces laborantins déraisonnés qui n’envisagent le passé qu’à seule fin d’imaginer des courbes futuristes. Pourtant, ici, rien de théorique ; absence d’alliages contre-nature. Alessandra et Luca gardent en mémoire une évidence : explorer des sentiers inédits, mais à condition de ne pas faire chier l’auditeur. Between Parallel Lights, sur un mode aussi félin que biceps, regorge ainsi de grattes hurlantes, d’imperturbables synthés similaires à des radiateurs surchauffés, de rythmiques frondeuses… Surtout, la voix réverbérée d’Alessandra magnifie les soudaines cassures mélodiques, les brusques changements de séquences. Disons-le : chez Schonwald, à présent plus que jamais, l’intonation vocale (façon courbe sinusoïdale) égrène une multitude de refrains absolument classieux (et addictifs).
En ces mois de revival Shoegaze, Schonwald écrase la concurrence. D’abord car la paire se contrefout des notions d’allégeance – pas question d’user du bis repetita, surtout en 2015. Ensuite car, pour cette jeunesse bruitiste, le shoegaze n’est qu’un point (parmi d’autres) dans lequel puiser des idées à développer, à poursuivre, plus haut, plus fort. Oui : après Between Parallel Lights, la moindre formation récitant son petit Kevin Shields illustré sera automatiquement qualifiée de grabataire !