The Hard Quartet / The Hard Quartet
[Matador Records]

7.5 Note de l'auteur
7.5

The Hard QuartetSe méfier/défier des super groupes. C’est presque une règle en soi. Rassembler des types qui ont fait leur carrière dans d’autres groupes, à succès ou non, ne donne jamais de très bons résultats. Mais on voulait voir où en était Stephen Malkmus. Des quatre membres de ce The Hard Quartet, il était évidemment le plus attendu, le plus en vue, même si des types comme Matt Sweeney, Emmett Kelly ou Jim White ont par le passé déjà signé des collaborations plus qu’intéressantes. Kelly et Sweeney ont notamment fait équipe fameuse avec Will Oldham et on craignait du reste que le quartet ne vire au numéro de rodéo américana.

Il n’en est rien : on était là pour Malkmus et c’est lui qui initie les meilleurs moments de ce disque roboratif (15 titres) qui est quand même une belle réussite. On dit “quand même” parce qu’avec un tel équipage, il était couru que tout ne nous plairait pas de la même manière. Il y a des morceaux qui sont un peu moins “notre genre”, un peu plus country, plus attendus, à l’image, par exemple, de Our Hometown Boy, avec un joli chant bien en place et un solo de guitares très bien exécuté mais un peu long et barbant, ou encore trop Jicks (le groupe de Malkmus), c’et-à-dire sautillants, décousus et trop relâchés comme Earth Hater. Les clips racontent l’aventure d’une bande de (pas encore tout à fait) vieux bonhommes sémillants mais ça ne sonne pas toujours comme un passe-temps de pré-retraités et heureusement.

On ne va pas faire la fine bouche. Il y a ici les meilleurs titres de Pavement depuis que Pavement n’existe plus (et probablement même depuis l’avant Terror Twilight). Ce n’est pas rien. On ne sait pas qui fait quoi dans le groupe mais on est persuadé que Malkmus, parce que c’est le chanteur et le guitariste le plus démonstratif, qui est à l’origine des meilleurs titres. Accordons lui ce privilège. Les autres suivent ou précèdent mais ça sonne parfois comme à la parade. On se croirait en 1992 ou en 1994 (les connaisseurs sauront ce qu’on veut dire). Ca commence un peu sur Chrome Mess, mais juste un peu. Il y a de l’allant, de l’électricité mais encore trop de ces tics de guitare et de chant qui rendent les chansons des Jicks trop légères. Le final rappelle quelque peu les tentatives de durcir le ton de manière artificielle et trop virtuose sur Terror Twilight, justement, mais c’est une très belle entrée en matière. La chanson parle d’amour et de la mystérieuse Sister Sludge. On reconnaît la signature de Stephen Malkmus à cent pas. Ca claque bien et c’est gentiment sibyllin. On s’ennuie un peu sur Rio’s Song, c’est-à-dire exactement le genre de chansons qu’on fuit : en roue libre, bien fichue mais dont on ne gardera aucun souvenir après douze écoutes. Et puis le miracle Renegade démarre (plage 5, déjà) avec une énergie punk, brouillonne et indisciplinée qui aurait fait péter de joie feu Gary Young.

My life settled on the heist of the victim rat (on en croit pas ses yeux et ses oreilles)
I’m so excited : my heart said no relate
I’ve seen the baby of imaginary ancients to come.

C’est du Malkmus de niveau Champions League : relâché à l’extrême, trash, brillantissime. Et puis cela enchaîne avec douceur (Heel Highway), et cette impression qu’il y a, comme jadis, deux ou trois chansons dans la même, des mélodies en boîte façon poupées russes qui se découvrent comme pour un strip-tease. Les autres se mettent au diapason et on peut trouver quelques qualités à un Killed By death plutôt pas mal. Mais le titre ne pèse pas lourd face à un Hey bluesy et là encore pas si différent du Pavement des origines, jusque dans sa manière d’hésiter et de se balader entre plusieurs mélodies. La guitare errante nous égare et parle un peu trop mais cela fait un bien fou de retrouver Malkmus à ce niveau d’évidence et d’imperfection. Ses derniers travaux étaient trop clairs/pop, trop cartoonesques. Il est possible que le fait d’avoir travaillé un peu moins (parce que les hommes étaient quatre) ait bénéficié aux morceaux. Il signe ensuite un autre morceau excellent avec l’étonnant Six Deaf Rats, une petite merveille qui émarge à près de sept minutes et repose sur une intro plus longue qu’un morceau de The Cure. La reprise après quatre minutes est une tuerie. Il ne faut pas crier au génie mais le travail est expérimental, inédit et savoureux.

On est moins convaincu par la fin mais le disque s’écoute avec plaisir. Action For Military Boys est un titre qui s’anime sur sa seconde moitié et fait partie des très bonnes chansons du disque. Sa dimension pop ne gâche rien. On le retrouvera sûrement en single assorti d’un clip fun. Jacked Existence et North of The Border ont pour défaut principal de ne pas être chantées par Stephen Malkmus. Celui-ci revient à la charge avec un Thug Dynasty un peu paresseux et surtout avec un Gripping The Riptide bien plus intéressant mais un peu trop linéaire pour un final.

The Hard Quartet est un disque de qualité pour un public mature. On y trouvera dans l’ensemble la mise en avant d’un savoir-faire indéniable, un chouette travail sur la rythmique, la guitare et les textes mais on y reviendra surtout pour 3 ou 4 morceaux qui nous font dire que Stephen Malkmus n’en a pas fini avec l’excellence. Dans six mois, on se souviendra ainsi de Renegade, de Hey (“you kiss me like a quaalude“, quel talent) et Six Deaf Rats, c’est déjà pas mal.

Tracklist
01. Chrome Mess
02. Earth Hater
03. Rio’s Song
04. Our Hometown Boy
05. Renegade
06. Heel Highway
07. Killed By Death
08. Hey
09. It Suits You
10. Six Deaf Rats
11. Action For Military Boys
12. Jacked Existence
13. North of the Border
14. Thug Dynasty
15. Gripping The Riptide
Liens
Recevez chaque vendredi à 18h un résumé de tous les articles publiés dans la semaine.

En vous abonnant vous acceptez notre Politique de confidentialité.

Plus d'articles de Benjamin Berton
Richard Corben tire sa révérence sur un dernier pain de viande (dans la gueule du bon goût)
L’auteur de comics cultissime Richard Corben nous a quittés à l’âge de...
Lire
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *