C’est, sans user de trop de superlatifs, un groupe ayant marqué durablement le tournant des années 1980-90 qui était récemment présent en France pour une tournée qui s’est arrêtée par l’Antipode à Rennes.
Quelques jours avant ce concert, la page Facebook de The House of love publiait une news relative à la prestation donnée à Rennes, le 10 décembre 1989, à l’occasion des Transmusicales. L’évocation de ce second concert en France, qualifié de l’un de leurs meilleurs par le groupe lui-même, ne pouvait qu’aiguiser nos attentes. Si, depuis cette date, The House of Love s’était à nouveau produit à Rennes à l’Ubu, en 1993, pour deux soirées consécutives et absolument mémorables, la formation emmenée par Guy Chadwick s’était ensuite inscrite aux abonnées absentes. C’est seulement l’an passé que nous avions pu la retrouver sur scène. L’Hydrophone de Lorient avait en effet eu la brillante idée d’inscrire une date de la précédente tournée à son agenda. En guise de groupe, il faut bien l’avouer, c’est à un concert de Guy Chadwick que nous venons assister. Plus aucun des membres originels ne participe au projet. Après un split au milieu des 90’s, la sortie de l’album Days run away en 2005 nous laissait entrevoir de nouvelles perspectives, avec notamment le retour du guitariste Terry Bickers, dont l’influence fut majeure sur le son du groupe entre 1986 et 1989. Un retour confirmé quelques années après, en 2013, avec l’album She paints words in red. Deux beaux opus, dans lequel The House of Love confirmait, s’il était encore besoin, les qualités de songwriter de Chadwick. En 2020, Chadwick, à l’image de quelques autres représentants de cette glorieuse génération, pensons par exemple à David Gedge et son Wedding Present, imposait son statut de seul maitre à bord, en repartant sur la route avec un line-up complètement renouvelé. C’est cette formation que nous découvrons sur la scène de l’Antipode.
Alex Nicol à l’Antipode (Rennes) octobre 2024
En ouverture, le Québécois Alex Nicol, en duo, accompagné d’un bassiste, nous gratifiait de ses ballades pop-folk, alternant entre envolées lumineuses et complaintes désenchantées, d’une manière aussi vaporeuse que apaisante. Il y dans son écriture, et dans sa voix, une forme de parenté avec l’univers de Mark Kozelek. Cependant le ton est ici moins ténébreux, moins abrasif, plus aérien et lumineux que dans les productions de Kozelek. Cette prestation, d’une petite dizaine de titres, s’avère une agréable découverte et une parfaite ouverture de soirée.
Retrouver Guy Chadwick 30 ans après son dernier passage à l’Ubu, c’est accepter le vernis du temps qui passe, prendre acte de quelques rides bien formées et de cheveux éclaircis. Ce qui nous amène à réaliser que l’homme arbore fièrement ses 68 printemps. Mais fort heureusement, là où le temps n’a pas vraiment de prise c’est sur le pouvoir des mélodies qui, telles des machines à remonter le temps, nous propulsent immédiatement en adolescence. Sous les doigts de Guy Chadwick, il y a de la magie dans les demi-caisses Epiphone. Peu expansif, mais néanmoins jovial, il passe d’un modèle en bois clair à un autre quasi identique en bois foncé. Tel un joueur d’échecs, qui s’appliquerait en solitaire à défier ses propres qualités stratégiques, Chadwick démontre malicieusement sa virtuosité. La performance est parfaitement servie par Keith et Hary Osborne, père et fils, respectivement guitariste et bassiste accompagnés par Hugo Degenhardt à la batterie et soutenue par une salle bien comble et complètement acquise. Comme l’annonce sans ambages le programme, ce sont les années Fontana, 1989-1994, qui sont mises à l’honneur pour cette tournée. Autant dire les années les plus lumineuses et les plus triomphales du groupe. Au cours de cette période, le groupe offrit trois albums à ce label, The house of love, et sa pochette arborant un splendide papillon, Babe Rainbow, qui met en scène l’œuvre éponyme du peintre Peter Blake et Audience with the mind. Avec un tel corpus, il y avait évidemment toute la matière pour composer un set magistral. Et la recette aura tenu ses promesses, tous les grands moments de bravoure du groupe furent au rendez-vous. De Cruel à Love in a car en passant par Beatles and the stones, The Girl with the loneliest eyes, Christine ou encore Shine on et Destroy the heart c’est un véritable florilège qui nous est déroulé pour une heure trente de souvenirs impérissables élégamment ravivés. Bien évidemment, il serait possible de ne voir que nostalgie dans un tel moment. Nous préférerons, plus objectivement et positivement, y voir la confirmation d’un songwriting lumineux dont les qualités éclairent et ravissent toujours autant malgré les années et les assauts du temps.
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