Interview de Dali Zourabichvili ­
[Field Mates Records]

Field Mates RecordsLa naissance d’un nouveau label est toujours une bonne nouvelle, surtout dans un contexte économique où le secteur de la musique est fortement secoué. Celle de Field Mates Records nous réjouit d’autant plus qu’il est porté par Dali Zourabichvili, prescriptrice de longue date (La Blogothèque, Clapping Music).
C’est avec le premier album de l’américain Jimmy Whispers que Field Mates Records se lance dans l’aventure. Le disque ne sort que le 24 mars prochain, mais l’éponyme Summer in Pain est à découvrir depuis quelques heures. On profite de sa mise en ligne pour demander à Dali ce qui la taraudait tant pour la mener à une telle entreprise.

Aujourd’hui sort la première référence de ton label Field Mates Records. Comment vis-tu le début de cette nouvelle aventure ?

Comme un gros mais beau défi : c’est à la fois excitant et effrayant. Il y a le plaisir de se dire que les gens vous pouvoir écouter un disque en partie grâce à ce label, et la crainte que tout le monde ne soit pas aussi emballe que moi par cette première sortie, que ça puisse simplement être la dernière.

J’apprends aussi plein de choses évidemment, j’ai beau travailler dans ce milieu depuis des années, quand on met soi-même les mains dans le cambouis on découvre tous ces petits détails qui font la vie d’un label, même miniature.

Tu es déjà très impliquée dans la vie musicale. Tu promeus des artistes, tu es blogueuse (NDLR : le blog This is all about audio dynamite), tu écris chez la Blogothèque… Monter ce label c’est le point d’orgue de ton activisme musical ?

Ce label est plus une suite logique, il s’inscrit dans une continuité, l’investissement est plus important, en terme de prise de risques c’est certes un peu plus radical mais c’était l’évidence pour défendre encore mieux les projets que j’aime. C’était l’atout qui me manquait.

J’aime à penser qu’il y aura d’autres projets qui vont me mobiliser et m’enthousiasmer tout autant, et même encore plus. Parler de point d’orgue ça serait considérer comme une fin ce qui est finalement pour moi plus une nouvelle étape.

Comment envisage-t-on un label de musique en 2014, dans un monde où la musique se dématérialise de plus en plus et se vend très mal ?

C’est surement un peu naïf de ma part mais il y a une certaine confiance a s’adresser a un public assez ciblé et très concerné : beaucoup de gens autour de moi continuent d’acheter des disques, à aller chez des disquaires.

Les chiffres de l’industrie du disque ne sont pas glorieux et devraient nous décourager mais ces dernières années on a vu fleurir en France beaucoup de très petits labels avec des identités fortes et de la réussite. Alors non, ça n’est pas anodin de se lancer là dedans, à notre échelle nous sommes beaucoup à investir nos économies et un échec peut couter cher mais quand il y à une envie forte qui vous meut, ça ne semble pas si kamikaze.

Le label s’appelle Field Mates Records et son visuel reprend le salut scout. Peux-tu nous éclairer sur la signification de tout cela, ainsi que sur la présence de Jason Priestley sur certains comptes sociaux ?

En fait tout vient du film Moonrise Kingdom de Wes Anderson et du rang scout ‘Field Mate’ du personnage principal.

J’aimais assez cette idée de copains de galères, de compagnons de route. L’idée qu’un projet peut être un peu compliqué, qu’il faut parfois bricoler et bidouiller comme un scout pour arriver à ses fins, mais y arriver quand même. Ca correspondait assez à ce label et au début de son histoire finalement.

Jason Priestley n’est qu’une blague, un simple souvenir de pré-adolescence. Trouver cette image de lui (parfait boy scout dans la série) faisant le salut scout est un hasard amusant.

Comment allez-vous travailler sur les visuels ? Les artistes auront le choix ou vous avez à l’esprit une déclinaison graphique ?

Il n’y a pas de ligne pré-définie pour les visuels, c’est difficile d’envisager une ligne à l’heure de la première sortie. Je ne voudrais pas m’enfermer dans un code visuel ou même un genre musical.

Dans le cas de cette première sortie, Jimmy avait déjà un univers visuel très développé, et des idées précises de ce qu’il voulait faire.

Il laisse son empreinte sur les murs de Chicago depuis longtemps avec son visuel de requin et un mini magazine qu’il a réalisé lui même accompagne d’ailleurs le disque. alors lui laisser toute la liberté sur le travail de sa pochette était finalement très logique.

Jimmy Whisper

Tu as écrit sur Jimmy Whispers en février dernier. Savais-tu déjà que c’était ton label qui sortirait son premier album ?

J’étais loin de m’en douter ! A ce moment là il me parlait d’une sortie de son disque pour l’été Ca n’a finalement pas eu lieu et ça a été en quelque sorte ma chance. Je m’agaçais de ne pas avoir ce disque, de ne pas pouvoir l’écouter ni le partager au point de me dire “mais pourquoi je ne le fais pas moi-même ?”. Curieusement l’idée ne m’avait jamais effleurée avant.

Qu’est-ce qui t’a séduit chez ce garçon qui ressemble à une icône du grunge ?

Son ambivalence je crois. La vidéo dans lequel je l’ai découvert montrait à la fois l’entertainer qui ne tient pas en place et cherche à faire le comique tout en chantant des chansons d’amour ou des chansons assez tristes, le tout sur un beat assez enjoué. C’était brut, sans fioritures voir un peu gauche et ça m’a complètement embarquée.

Comment avez-vous travaillé ensemble sur la mise en place de cette sortie ?

Ça s’est fait très simplement, Jimmy et moi étions déjà en contact depuis quelques mois suite à l’écriture de l’article. Il m’a dit oui tout de suite. Nous avons travaillé main dans la main avec le label Moniker Records qui fait la sortie aux États-Unis. Tout le monde avait les mêmes envies ça n’a pas été très difficile de nous coordonner .

« Tout ce que je peux vous dire sur Jimmy Whispers ne sera vérifiable qu’à la sortie de son premier album », écrivais-tu. Alors, finalement Jimmy est-il celui que tu décris ? Que peux-tu nous raconter de son parcours ?

J’avais déjà eu la chance d’écouter son album au moment ou j’ai écrit ces quelques mots, pas vraiment une prophétie, que chaque écoute me conforte dans mes impressions mais une grande partie du personnage reste un mystère pour moi aussi : je n’ai jamais eu la chance de le voir dans ce rôle d’entertainer, sur scène. Sans cet aspect la, le personnage n’est pas complet.

Summer in Pain sortira en vinyle et en digital. Est-ce que le vinyle sera le support principal du label ?

Le principal oui mais peut-être pas le seul . Certaines sorties pourraient se faire aussi en CD ou sur K7, qui sait. Pour cette sortie le format physique unique était une évidence.

Pour toi quel est le meilleur format physique ? Imagines-tu un monde où la musique serait totalement dématérialisée ?

J’aime vraiment tous les formats autant pour le son que l’objet. J’ai globalement grandi en écoutant et en achetant des cds et quelques K7 même je me suis tournée assez jeune vers les vinyles.

Je crois pour chaque album, aujourd’hui encore, suivant son style, la façon dont j’aime l’écouter je vais privilégier un support plutôt que l’autre mais certains vinyles sont de vrais objets de collections, c’est souvent beaucoup plus attrayant.

Ce premier album est très lo-fi. Comment Jimmy Whispers écrit-il ses chansons ?

De la manière la plus lo-fi qui soit. Il enregistre ses morceaux en une seule prise avec un son vieil orgue et la fonction dictaphone de son téléphone. Parfois il n’a même jamais chanté ses textes d’abord. Il y a une volonté d’authenticité et de fraicheur. Rien n’est mixé ou édité. C’est un album qui serait le stade de démo pour beaucoup d’artistes mais je crois que sans ce coté brut l’album perdrait tout son caractère.

Quel sera le dénominateur commun à tous les projets que défendra Field Mates Records ? As-tu déjà une idée de la prochaine sortie ou tu abordes les propositions du label comme une succession de « one shot » ?

Pour l’instant je suis assez concentrée sur cette première sortie, elle a un peu valeur de test et déterminera forcement la suite des événements.

Je ne veux me fermer aucunes portes, j’écoute ce qu’on m’envoie et je continue de fouiller à la recherche de nouveaux groupes, de nouvelles surprises qui me donneraient envie de faire une deuxième sortie. Le coup de cœur ça sera surement ça, le dénominateur commun.

Comment allez-vous distribuer vos disques ? Le relai par les médias et les webzines te paraît-il essentiel ou comptes-tu sur une frange d’amateurs éclairés pour parvenir à les vendre ?

En tant que jeune label qui n’a qu’une sortie a son actif difficile d’avoir une distribution bien organisée (c’est financièrement complique et on pèse assez peu dans la balance pour les gros distributeurs). Ca sera surement très DIY, on retrouvera le disque chez un maximum de disquaires en France et un peu a l’étranger j’espère et il sera évidemment disponible via internet pour toute l’Europe.

Le relai par les médias est évidemment extrêmement important, j’ai beau avoir confiance en ces amateurs, s’imposer avec un artiste inconnu et un label inconnu sans le soutien des médias me paraît compliqué.

Tu dois être une des plus ardentes fans de Wu Lyf. Trois ans après la sortie de son seul et unique album et deux années après sa fin d’activité, que reste-t-il pour toi de ce groupe ?

Beaucoup de souvenirs de concerts très intenses, un album que j’écoute toujours avec autant de plaisir, des amitiés mais aussi beaucoup de promesses : tous les membres du groupe se sont lancés dans des projets avec beaucoup de talent (entre autres, Francis Lung, ex bassiste de WU LYF dont j’assure la promotion).

Si parfois il y avait un brin de nostalgie, c’est assez vite apaisé.

Tracklist de Summer in Pain
01. Intro
02. I Love You
03. Vacation
04. Heart Don’t Know
05. Pain In My Love
06. Michael, Don’t Cry
07. I Get Lost In You In The Summertime
08. Keeping Me High
09. (Summer in Pain)
10. Heartbeat
Vidéo : Jimmy Whispers - Summer In Pain Album Teaser

Vidéo : Jimmy Whispers au Ranger Station

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