Mute Forest / Deforestation
[Lost Tribe Sound]

A quoi ça rime toute cela. Où va-t-on ?

A l’écoute de Deforestation, le premier album de Mute Forest le doute nous assaille. Voire même alimente une certaine forme de culpabilité face à nos habitudes consuméristes et on a un peu honte d’écouter tant d’artistes qui n’ont finalement rien d’autre à dire que de se plaindre de leurs petits maux auto-centrés. On cède si facilement à la facilité, aux chimères aguicheuses, à ces albums qu’on oubliera sur notre disque dur avant même de les réécouter. Si on devait s’astreindre à une certaine retenue et ne garder que les oeuvres importantes, celles qui nous touchent et portent un message, alors les disques signés par Khael Smith sous ses diverses identités (Khale, Mombi, Mute Forest) seraient de la sélection.

Depuis son studio de Denver où il a enregistré et interprété en solitaire l’intégralité des neuf morceaux comme pour son premier essai dans cette incarnation (Infinite Pools EP – Lost Tribe Sound) publié au printemps dernier, le jeune homme se rappelle les montagnes du Colorado qu’il parcourait dans son enfance. En évoquant la forêt qui disparaît comme un être proche nous quitte, ses souvenirs intimes et le regard critique qu’il porte sur l’évolution de notre société s’interpénètrent dans des compositions où les mots restent en suspension, comme pour ne pas entacher des mélodies célestes. Sur une base électronique discrète qui fait chanceler de temps à autre la mélodie ou met en abîme des motifs cristallins, les notes de piano pleuvent dans un cliquetis délicat, une guitare acoustique bruisse comme les feuilles dans le vent. Ce cousin de Benoît Pioulard se dévoile avec une élégance rare et une retenue dans le geste qui soulignent le sens, la portée, la dimension symbolique et universelle de ses chansons.

PS : Le disque vinyle masterisé par Taylor Deupree se présente dans une magnifique édition dont le visuel est signé par la talentueuse photographe Christy Romanick. Du bel ouvrage.