Il est impossible qu’un musicien annule et remplace l’un de ses précédents ouvrages. Surtout quand le disque évincé se plaçait déjà très haut dans notre estime. Mais ainsi avance Jean-Louis Prades, l’âme solitaire d’Imagho : rarement, en France, n’avait-on entendu un artiste aussi méticuleux, aussi exigeant envers lui-même. Aventureux, serait le mot juste. Car chez Imagho, il ne s’agit pas de corriger au nom d’un perfectionnisme maladif, mais de proposer une variante, un état d’esprit proche de l’intention originelle (quitte à ne combler que les ingés son).
Soleil reprend donc l’album Soleil de Tokyo (paru en 2017). Hier en mode home studio, l’album bénéficie aujourd’hui d’un mix en phase avec les ambitions de JL. Et avouons que Soleil méritait effectivement une belle sortie digipack avec le son approprié (et sur le propre label de l’artiste, Images Nocturnes).
Le fond ne change pas, mais la forme éclaircie ou retravaille diverses caractéristiques du premier essai. Elle lui donne une résonnance sur les silences et les grattes acoustiques, elle baisse certains sons un peu trop envahissants (comme sur Perdue). En mode néanmoins léger car tout n’est qu’affaire de mix avant ou arrière. On doute que la plupart des auditeurs de Soleil de Tokyo y perçoivent une quelconque différence. Pas grave : il s’agit de donner une seconde vie à un disque qui méritait une sortie officielle. De même, on présume que l’origine de ce nouveau mastering découle de cette intention. Fortement légitime.
Musicien féru de technique, capable de pinailler sur la légitimité d’une piste qu’il sera le seul à entendre (comme tous musiciens, au passage), Jean-Louis est aussi un homme studio. Et nous comprenons bien pourquoi Soleil de Tokyo renaît aujourd’hui : il s’agissait hier d’un album ne pouvant sortir qu’ainsi (crowdfunding, apport de Microcultures), avec toute la frustration, imaginons-nous, éprouvée par Imagho.
Au moment de la sortie de Méandres, JL, en conversant autour d’une chanson de Dominique A, nous parlait de sa peur du chanté français. Mais aussi de ce que cette langue pourrait lui offrir de liberté. De renouvellement. C’était en 2013. Soleil de Tokyo corroborait ensuite la décision de JL d’écrire et chanter en français : dans un cousinage Matthieu Malon, pudique mais universel, le musicien sautait le pas, et cela reste toujours aussi beau, discret, lorsqu’on efface Tokyo pour Soleil. Confirmation : Soleil est une première étape pour Jean-Louis dans les mots bleus, rosses parfois (avec distance romantique, conceptualisation d’une histoire – axe Bashung).
Déjà-vu ? Certainement pas ! Jean-Louis : ton album, même en trente versions différentes, il restera magnifique !