Voilà maintenant plusieurs années que l’on aime et défend la musique de JL Prades. Virtuose qui ne s’affiche pas, conteur intime, soucieux d’une construction épurée qui se suffirait à elle-même, Imagho est un cousin proche dont il ne sert à rien de faire la connaissance pour admettre que beaucoup de choses nous relient.
Soleil de Tokyo poursuit les précédents travaux de l’auteur. En plus fort, en plus poignant. Ni folk ni jazzy, ni parlé ni chanté, ce nouvel album est une vision architecturale, un chemin à suspense. Car ici, chaque accord et chaque phrase prononcés induisent une certaine tension, l’attente d’un retournement de situation. On pense à Laughing Stock de Talk Talk, ou bien aux dernières aventures de Bill Callahan, c’est-à-dire : des disques en forme de chausse-trappe, des périples qui ne se comprennent qu’à la dernière minute, lorsque l’ultime note oblige l’auditeur à revivre mentalement ce qu’il vient d’entendre. Soleil de Tokyo : album ouvert dont chaque silence, chaque creux, est une invitation à s’y retrouver. S’y lover (ce mot qui commence comme « love » et se termine comme « aimer »).
Depuis quelques temps, nous jugeons les disques français selon un seul critère, qui vaut ce qu’il vaut mais qui, au moins, épargne l’aveuglement face aux imposteurs : la sincérité. Beaucoup de groupes récitent parfaitement bien leurs leçons, beaucoup d’artistes s’appliquent jusqu’à la nature morte (ou le moribond désincarné). Parfois, la machine carbure avec une telle énergie que nous cautionnons. Mais rien ne mérite l’élan d’un musicien qui n’a guère d’autres solutions que de créer puis d’envoyer son disque à qui souhaite l’entendre. À l’instar d’Imagho (ou Malon et Vanot). Parce que chez JL Prades, il s’agit d’une nécessité. Non pas pour se la raconter, mais bel et bien pour transmettre une pensée, un état, qui trouvera fatalement réception chez des alter égos inconnus. Connivence éternelle, aujourd’hui reconduite sous le Soleil de Tokyo.