La Stéphanoise Laetitia Fournier connaît son histoire du rock par cœur. Mais dans le désordre. Car ne jamais demander à Raymonde Howard de poursuivre une quelconque tradition musicale, ne jamais exiger de cette artiste un cheminement facilement identifiable. Il ne s’agit évidemment pas de chercher le contre-pied à tout prix, mais de laisser fuser l’instinct, les tripes, la surprise permanente.
Ainsi, dans S.W.E.A.T. (troisième et magnifique album de la demoiselle), le blues rachitique s’acoquine à la danse, les riffs méchants se font lacérer par des violons velvetiens, la pop s’expédie en deux minutes (parfois moins). Les genres musicaux sont comme dépossédés de leurs fonctions primaires, les perspectives se brouillent, l’auditeur s’insinue dans les creux et les nombreux silences – jusqu’à se faire son propre disque.
Un très large espace est ici offert, un espace qui change considérablement la donne : chaque accord, chaque sonorité détient une raison d’être, une émotion à transmettre. La violence rentrée décuple en tension, mais les rythmiques hédonistes trace un sillon parallèle. Un titre se nomme Punktuality. C’est exactement cela : réécrire, à sa façon et non sans anarchie, le langage commun. D’où la sensation d’un disque other side : blues, rock et dance y sont observés selon un point de vue différent, selon une perspective inverse aux règles de base.
Raymonde Howard a enregistré S.W.E.A.T. à Saint-Étienne. On a plutôt l’impression que ces compositions furent écrites dans un studio basé à Twin Peaks.