L’anecdote en dit long sur le bonhomme : alors que le label We Are Unique! Records avait demandé à Mickaël Mottet de produire quelques compositions qui devaient être interprétées collégialement pour célébrer les 20 ans du label, le Stéphanois a finalement écrit un album entier ! Le garçon a toujours été prolixe et passionné. Sans se départir d’une bonne dose d’humilité. Et même aujourd’hui, alors qu’il signe pour la première fois de « sa carrière » (comprendre ici, l’exploitation d’un gisement de richesses) sous son propre nom et non celui d’Angil (ou encore Jerri, Lion In Bed ou The John Venture), il préfère que sa muse figure sur la pochette plutôt que lui-même.
Pourtant, plus d’une fois Mickaël Mottet a été à deux doigts de décrocher le Golden Globe. Salué Outre-atlantique, comparé à un improbable croisement entre Robert Wyatt et Why?, le quadra creuse son sillon dans une style inimitable. Dès l’ouverture de ce qui doit être le quinzième album sur lequel il œuvre, il démontre qu’il est un grand chanteur, dans un quasiment a capella, tout juste accompagné par un ensemble d’instruments de bois. D’ailleurs, clarinette, flûte et saxophone – aux côtés de la voix à la diction parfaite – sont tout au long de l’album les vedettes de ces compositions aux arrangements cristallins où batterie et percussions sont très discrètes. Une gageure tant le flow de Mickaël Mottet imprime le rythme. Tout est fait avec élégance et retenue, pourtant, les chansons claquent, étincèlent, rutilent. L’auteur étant amateur de lettres, mieux vaut-il être anglophile pour apprécier pleinement les textes – même si leur musicalité est universelle. Et puis, le chanteur laisse également la place pour que les parties instrumentales puissent se développer pour s’éviter d’être taxé de bavardage (comme par exemple sur 15 Ways To Leave Mark E Smith qui fait allégeance au leader de The Fall en évitant avec classe le plagiat). Souvent les structures sont fuyantes et c’est alors qu’elles sont les meilleures : Bible Study parait presque trop conventionnel, quand les incartades jazzy ou le groove de Playing With My Dream Band (Dream 2) se révèlent vénéneux.
Nul doute possible : Mickaël Mottet livre là un album iconoclaste et aventureux, à mille lieux des codes et des redites ad libitum qui inondent les plateformes de musiques à consommer.