Sur la pochette du nouveau Blanck Mass, un Joker à gueule de chien montre les crocs. Une image qui pourrait coller à tous les albums solos de Benjamin John Power, éminence noire des importants Fuck Buttons. Car jusqu’à présent, la musique de Blanck Mass s’avançait querelleuse, mais déviée, déviante, un sourire macabre derrière le beat assassin (jamais trop loin du Richard D. James Album). Le ténébreux, le sale, le pas très présentable détenaient une distanciation, une éclaircie qui permettait à ces albums de rythmer certaines soirées sans ne choquer personne.
C’est encore le cas avec World Eater, ou presque : un durcissement se perçoit, une rigidité prend le dessus sur l’éternelle souplesse des rythmiques. Et pourtant : les mélodies crépitent, les basses engendrent moins de peur qu’elles hypnotisent, la longueur des morceaux permet un déploiement sonore toujours en quête de réinvention.
World Eater est, au choix, un disque de dance sournoise ou bien une attaque frontale dénuée de méchanceté. Car le Fuck Buttons en chef, c’est sa spécialité, ne connaît décidément pas le sens du mot manichéen : chez lui, la violence n’empêche jamais le groove ; et l’électro la plus suave, sexuelle parfois, ne peut s’empêcher d’y adjoindre un point nébuleux, un pad qui tire vers le bas, une cold wave qui ne dit pas son nom.
Benjamin John Power, en solo, est important pour cela : ses intentions initiales, au moment de confectionner un nouvel album, ne correspondent jamais au finish. De la pensée originelle jusqu’au mastering définitif, tout un parcours de vie en modifie la donne. World Eater, à la base, cherchait probablement à cracher, hurler contre l’époque. Les sept titres proposés, au bout du compte, détiennent du recul sur la colère, une guérilla nuancée. Très, trop humain, Benjamin…