Britta Phillips, l’échappée en solo

Britta Phillips par Luz Gallardo

Il aura fallu attendre 2016 pour que Britta Phillips sorte enfin son premier album solo. Luck Or Magic (Double Feature Records) est un partage d’inédits et de reprises. Bassiste de Luna, femme et partenaire musicale de Dean Wareham, l’Américaine sera sur scène deux fois à Paris en octobre. Le mercredi 12 tout d’abord au Petit Bain avec Luna, puis le 15 à l’Olympia en première partie de Keren Ann. Sun Burns Out a eu la chance de la rencontrer. Elle nous a parlé de la réalisation de son disque solo, de la bande originale de Mistress America mais aussi du pourquoi Britta Phillips et Dean Wareham sortent des disques sous des dénominations qui changent. 

Photos : Luz Gallardo.

Quand as-tu décidé de sortir cet album solo ?

Britta Phillips : Ça s’est vraiment décidé lors d’un déjeuner avec mon ami Scott Hardkiss qui m’a proposé de faire ce disque solo. Il voulait le produire avec moi. J’ai travaillé sur des compositions en solo depuis quasiment toujours mais il n’y avait simplement aucune raison pour moi de sortir un tel disque, d’autant que j’étais très occupée sur d’autres projets. Son idée m’a bien entendu beaucoup plu et j’ai accepté sa proposition.

As-tu travaillé différemment de ce que tu fais habituellement avec Dean ?

B.P. : Oui. Scott et moi étions très occupés lorsque nous nous sommes lancés dans  ce projet. Nous avons commencé à discuter de cet album en 2012. A l’époque j’enregistrais avec Dean. Ensuite il y a eu ces concerts pour le projet Andy Warholl. Scott était de son côté également très pris. Aussi, nous avons travaillé quelques jours par mois lorsque cela était possible. Scott voulait que j’essaie dix reprises pour le disque. Des reprises énormes que je n’aurai jamais eu le courage de faire. Deux d’entre elles figurent finalement sur l’album ; Drive (Ric Ocasek / The Cars) et Landslide (Stevie Nicks / Fleetwood Mac). Ce fut donc très différent de la manière dont Dean travaille, car rien n’est établi de la sorte avec lui.  Je ne voulais pas non plus que l’intégralité de l’album soit composée de reprises. Je travaillais à l’époque aussi sur mes propres chansons. Mais il est vrai que j’aime beaucoup jouer des reprises. C’est pourquoi, nous avons décidé de faire moitié-moitié, des nouvelles chansons et des reprises. Une autre différence avec d’habitude, c’était la possibilité de sonner comme je le souhaitais réellement. Avec Dean, je sais très bien comment la musique va sonner. Pour ce disque, je ne savais pas exactement au début comment je désirais que le disque sonne musicalement. Mais je voulais que celui-ci soit un peu différent des autres disques sur lesquels je joue habituellement. De plus je travaille assez lentement seule. Je suis très accrochée à la notion des détails. Quand je travaille, je peux partir le matin dans les bois, rentrer à minuit et me mettre à composer ensuite. Dean, lui, travaille rapidement. Ce fut donc bien pour moi de prendre mon temps et de comprendre ce que je voulais vraiment pour ce disque en solo. C’est une des raisons pourquoi ce fut si long pour sortir ce disque. J’ai essayé diverses choses avant d’arriver au résultat que tu connais. Et puis les chansons sont assez variées sur l’album. Malheureusement, mon ami Scott est décédé, un an après que nous ayons commencé à travailler sur ce disque. De ce fait, j’ai arrêté de travailler pendant quelques temps sur ce projet. Dean et moi avons déménagé à Los Angeles la semaine où Scott est mort. A l’époque Dean et moi étions en train de travailler sur la B.O. de Mistress America. J’ai donc fini cet album ensuite, en 2015, en un mois de temps,  avec l’aide d’un autre producteur, Erik Broucek.

Quel effet ça fait d’avoir ton nom sur la pochette d’un album, sans que Dean y soit associé ?

B.P. : Ça fait bizarre (rires). Mais c’est très excitant. Au tout début, je n’ai pas du tout pensé à la promotion à faire une fois le disque terminé.  Je ne pensais qu’à composer. Mais au final, ce fut assez embarrassant pour moi car j’ai toujours fait partie d’un groupe. J’ai un peu la sensation de  me sentir nue, mais en même temps c’est vrai, c’est très excitant. D’autant qu’avant même que Scott me propose de faire ce disque, à chaque fois que se terminait une tournée avec Luna ou même avec Dean & Britta, je souhaitais vraiment réaliser un disque solo.

Tu as utilisé Pledge Music pour promouvoir ton disque. C’était évident d’utiliser ce support pour toi ?

B.P. : En fait, c’est un de nos amis qui me l’a suggéré. Je n’avais jamais entendu parler de Pledge Music auparavant. Je ne savais pas sur quel label sortir Luck Or Magic. J’ai autofinancé de disque. J’ai donc trouvé ce moyen intéressant car tu collabores directement avec les fans et ça évite de devoir signer des clauses avec un label. J’ai eu quelques difficultés au début, car j’avais l’impression de parler avec moi-même en permanence. C’est pareil pour les interviews d’ailleurs. Je ne sais pas si je suis très douée pour cela (rires). Mais au final, écrire sur mes chansons ou sur moi tous les quatre jours m’a permis de rester concentrée sur ce projet solo et ça m’a beaucoup plu.

J’ai été très impressionné par ton cover de Drive de The Cars. Est-ce que ça été facile de reprendre cette chanson ?

B.P. : Non, pas du tout. Scott m’avait suggéré cette chanson, mais en même temps, c’est une chanson pour laquelle il n’avait absolument rien enregistré, aucune partie musicale. Je me suis mise au piano, je ne joue pas vraiment de piano, et je me suis mise à chanter. Finalement, je me suis dit, je ne sais pas du tout comment je vais reprendre cette chanson. Parfois c’est très simple de faire des covers et parfois c’est très compliqué. Pour Drive, Scott m’a beaucoup aidé. Il a enregistré de nombreuses parties musicales. Heureusement d’ailleurs, car je pense que sinon, je n’y serais jamais arrivé seule. Lorsque Scott nous a quittés, la version de Drive qu’il a laissé n’était pas entièrement terminée. J’ai dû travailler dessus, ce qui n’était pas facile car il n’était plus là ! Mon ami Roger Brogan a ajouté quelques éléments à la production déjà existante, notamment de la batterie, et il a été possible d’aller jusqu’au bout de cette chanson. Ce fut assez technique mais j’y suis finalement arrivée avec l’aide de Scott et de Roger. Je suis vraiment contente de cette reprise, qui a mon sens est différente de l’originale. Elle est mélancolique.

Quelle fut la chanson la plus difficile à terminer ?

B.P. : Les  deux chansons les plus compliquées furent les deux dernières que j’ai enregistrées pour ce disque. Ce sont deux nouvelles chansons, Luck Or Magic et Do It Last, qui ne sont pas des reprises. J’ai joué vingt versions de chacune de ces chansons. Je prenais beaucoup de plaisir à les jouer, mais je n’arrivais pas à me décider lesquelles j’allais garder pour le disque. Il me fallait décider, et je n’arrêtais pas de changer d’avis sur la manière dont je voulais qu’elles sonnent au final. Ça m’a pris pas mal de temps pour trancher mais je suis très heureuse des choix que j’ai fait. Million Dollar Doll fut par contre  la plus facile à enregistrer.

Britta Phillips par Luz Gallardo

Tu as également repris Bang Bang (My Baby Shoot Me Down) de Nancy Sinatra. Cette reprise ne figure pas sur l’album, mais sur un quarante-cinq tours tiré à 20 exemplaires. Pourquoi aussi peu de copies ?

B.P. : Oh oui c’est vrai, c’est vraiment très peu.  Il y a eu ces deux reprises Don’t Think Twice et Bang Bang (My Baby Shoot Me Down) qui sont sorties sur deux quarante-cinq tours différents. Je trouvais qu’elles n’avaient pas vraiment leur place avec les autres chansons de l’album. Elles sont relativement proches des versions originales, de ce fait je les trouve moins intéressantes. Je pensais tout de même qu’il y avait plus de vingt exemplaires, mais finalement non (rires).

Toi et Dean avaient sorti bon nombre de EP et singles sur des labels différents, parfois dans des éditions limitées très difficiles à trouver. Considérez-vous cela comme une chasse au trésor pour vos fans ?

B.P. : Oh non ! Il n’y a rien de calculé derrière tout ça. En fait, c’est l’occasion pour nous de sortir des morceaux enregistrés qu’on ne désire pas sortir sur un album. C’est vrai que parfois ils sont épuisés rapidement, aussi on les mets à disposition sur Itunes. Peut-être que ce serait bien si on sortait une compilation de ces titres. Je ne sais pas sous quel format, vinyle ou cd ? Peut-être pourrait-on demander à nos fans de choisir les titres qu’ils souhaitent retrouver dessus.

Dean et toi avaient composé la bande originale de Mistress America. Je crois que c’est la première fois que vous êtes impliqué dans l’intégralité d’une bande originale. Ce fut quelque chose de particulier pour vous ?

B.P. : Oui. Nous avions déjà travaillé avec Noah Baumbach auparavant. Nous avions composé la bande originale de Margot At The Wedding, mais au final il n’y a pas eu de bande originale pour ce film. Ce n’est pas que notre musique n’allait pas avec le film, c’est juste qu’aucune bande originale n’est sortie. Noah tenait vraiment à ce que nous composions cette bande originale de film. Mais comme je t’ai dit, c’est arrivé au moment où nous avons déménagé à Los Angeles et que Scott nous a quitté. Ce fut donc très difficile pour nous d’écrire la musique de ce film, d’autant que Noah ne savait pas vraiment ce qu’il voulait pour son film. Nous avons donc essayé de faire du Tangerine Dream. En réaction, il nous a demandé si c’était pour la musique de Tootsie (Rires). En fait, nous avons utilisé des chansons déjà prêtes pour une bande originale de film mais non utilisées. Elles n’étaient pas terminées, aussi nous avons continué à travailler ces morceaux. Pendant ce temps Noah a tourné While We’re Young. Nous ne savions pas si nous étions virés ou pas (rires). Finalement, il est revenu nous voir et nous a demandé de reprendre cette bande originale. Cela nous a pris plusieurs mois. Nous étions contents de continuer, mais il nous fallait tout reprendre. Finalement Noah avait raison, car ce temps passé lui a permis de trouver exactement ce qu’il allait inclure musicalement dans son film. Orchestral Manœuvre In The Dark et New Order y figurent, même si New Order ne se trouve pas sur la bande son. Ce son des années 80 fut finalement le fil conducteur du disque. Pour nous, ce fut une expérience nouvelle et on a prit beaucoup de plaisir malgré le fait que le résultat final fut assez difficile à obtenir. Je pense qu’on aurait beaucoup aimé être un groupe avec cette sonorité dans une autre vie (rires).

Vous avez beaucoup collaboré avec Sonic Boom dans le passé. Toutefois celui-ci n’a pas participé à ton album solo.

B.P. : C’est vrai. En fait, nous n’avons pas beaucoup vu Pete (Kember) depuis que nous avons déménagé à Los Angeles. Je sais qu’il y est venu pour travailler avec Peaking Lights mais nous ne nous sommes pas croisés. Il y a quelques personnes avec qui j’aurais vraiment aimé collaborer pour ce disque, mais nous verrons dans le futur selon les disponibilités de chacun. Et puis, il y aura peut-être des remixes qui sortiront, qui sait ? Ce sera l’occasion de travailler avec certaines personnes, mais pour le moment rien n’est décidé.

Vous apparaissez tous les deux dans le film Frances Ha. Est-ce que, par la suite, il est envisageable que vous ayez un rôle dans d’autres films ?

B.P. : J’adore jouer mais je n’ai pas d’agent pour le cinéma. Mais j’y pense, notamment car nous sommes maintenant basés à Los Angeles.

Britta Phillips & Dean Wareham, Dean & Britta, Dean And Britta, Dean Wareham & Britta Phillips, est-ce un jeu pour vous de changer votre nom sur vos pochettes ?

B.P. : (Rires). Non, en fait, le premier disque que nous avons sorti ensemble c’était Britta Phillips & Dean Wareham, parce que Dean voulait que ça fasse penser à Nancy Sinatra & Lee Hazelwood. Mais ensuite c’est devenu compliqué avec les autres labels car ils ne savaient pas où le positionner sur la pochette, d’autant que c’est très long. Aussi nous avons choisi Dean & Britta car c’est plus simple, plus court et cela sonne mieux que Britta & Dean. Pour la bande originale de Mistress America, Dean est crédité en premier car Noah lui a demandé personnellement s’il voulait réaliser la bande originale. J’ai travaillé avec Dean, mais ce disque c’est son projet musical. Mais au final, ce qui est écrit sur la pochette n’est pas très important pour nous.

Britta Phillips – Daydream

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