Godard disait qu’une fille et un flingue suffisaient à faire un film. Dans le rock, le schéma ne diffère pas trop : une fille et une guitare, voilà qui suffit amplement pour construire un objet brut, franco, dry ou fuzz.
Reste à déterminer si le résultat tient plus du rock que de la chanson – surtout lorsque l’artiste s’exprime en français. Mais de Nadj à ODyL, on sait depuis longtemps que les activistes françaises à guitares ne choisissent jamais. L’énergie du rock, parce qu’il y a toujours une colère à expulser. Le chant revendiqué, parce qu’il est bon de cajoler l’auditeur afin de mieux l’emprisonner. Rugueuses et douces, douces car rugueuses : les filles ne s’encombrent guère d’une gentille mélancolie typiquement masculine. Elles foncent dans le hard, dans le lard. Du coup, les joliesses, les contours poético-abscons partent à la trappe. L’auditeur y gagne en sincérité.
La Louise, de son vrai nom Émilie Houillon, poursuit cette tradition. Cinq titres dominés par une guitare qui canalise (autant que faire se peut) l’envie de faire cracher les enceintes. Car inversement à ODyL, La Louise refuse au propos tenu de s’extérioriser dans un soudain fracas électrique. L’important, ici, ce sont les mots. La gratte n’est qu’une accompagnatrice.
Étrangement, les mots d’Émilie ne racontent rien d’une expérience intime. Elle gravite dans l’observation, la petite histoire, dans le « nous » plutôt que le « je ». Jusqu’à tomber dans le piège du social trop affiché (313).
Une distance s’installe entre les textes de La Louise et l’auditeur. Car dans Je fume, il n’est pas demandé de s’identifier, mais d’approuver. Une différence importante : l’identification permet de réinterpréter chaque texte à l’orée de son propre vécu, l’approbation rend plutôt docile face à des faits incontestables (ou affirmés tels quels).