Revenu aux affaires avec un live tonitruant Cheese Brain Fondue, la nouvelle formation du Terminal Cheesecake, le groupe de rock psychédélique le plus délirant des années 90, se devait de frapper un grand coup pour se distinguer du tout venant des reformations tiroir-caisse. Pas simple de convaincre sur un long format après des années d’absence, dans un genre où la démesure est de mise et où le fonds de commerce semblait jusqu’ici associé à une prise de risque (narcotique) et à une outrance fortement liées à l’inconséquence de la jeunesse. Assez proche de sa formation historique, à savoir Russell Smith, Gordon Watson, John Jobbagy, Dave Cochrane et Neil Francis (chanteur de Gnod et remplaçant du chanteur fondateur Gary Boniface), le Terminal Cheesecake signe avec cet album magistralement dérangeant l’une des reformations les plus impressionnantes de l’histoire du genre.
Dandelion Sauce of The Ancients (dont on recommande l’achat en vinyle bien sûr) devrait trouver une place de choix dans le canon dérangé du groupe tant il renvoie à la même aisance sonique et à cette même capacité de surprendre, de terroriser et de tourner la boule qu’aux meilleures heures du groupe. L’album compte 7 titres qui émargent, à l’exception du transitionnel (mais néanmoins parfait) Mr Wipey’s Day Trip To Guilford Haven (2 minutes seulement), autour des 6 minutes. C’est généralement le temps qu’il faut au groupe pour développer un canevas à trou, lui donner une forme humaine (ou cauchemardesque), puis le désosser à coups de ruptures de rythmes, d’assauts en mode free-jazz punk monstrueux, pour le laisser pendre en vrac comme un trophée. Chaque composition du Terminal Cheesecake est une ode à un chaos ordonné, une sorte de saut dans le vide où l’on tente après une triple vrille et un flip flap fesses en l’air de se récupérer à pieds joints mais avec tous les membres cassés. Birds in 6/8 est une entrée en matière finalement assez sage qui emmène le groupe dans un territoire shoegaze et atmosphérique que ne renieraient ni My Bloody Valentine, ni les revenants de Jesus and Mary Chain. Il faudra un jour qu’on rende justice au Terminal Cheesecake dans l’usage de la saturation et des pédales d’effets à travers les âges. Le choc esthétique et sonique intervient sur le morceau qui suit, Poultice. Le morceau démarre timidement avant de s’élever, par strates atmosphériques, jusqu’à une sorte de Valhalla psychédélique où tous les muscles se tendent. La chanson s’organise ainsi comme un formidable jam ascensionnel accompagné par la voix plaintive et sépulcrale de Neil Francis, impeccable tout du long. Le reste ne déçoit pas. Dandelions est soutenue par des basses surpuissantes, une séquence en spoken word assez géniale et un son de batterie sauvage et organique. Le Terminal Cheesecake dégage sur des titres comme The Winding Path une assurance et une confiance en ses propres moyens qui est impressionnante. Le chaos se développe sous nos yeux comme on déroulerait une double hélice ADN, découvrant note à note un schéma aussi surprenant que secret et indéchiffrable. L’auditeur se perd dans des méandres instrumentaux, tandis que la voix, en contrepoint, s’offre en guide au voyage.
Pour le final, Terminal Cheesecake réserve ses meilleurs coups. La séquence Song For John Part 1 et Lord Jagged est un monument du genre et couronne une entreprise somptueuse de perturbation des sens. Les guitares pétillent. La batterie se consume dans une sorte d’apothéose qui relève plus du jazz que du rock. Difficile de conserver ses repères, devant un tel précipice sonique. La dissonance féconde la voix qui déraille, ouvrant, une fois encore, à l’auditeur un espace-temps inédit, mélange de chaleur humaine et de dérangement mécanique. Ceux qui sont familiers des travaux du Terminal seront surpris par l’ambition des morceaux qui constituent cet album, par la maîtrise qu’ils dégagent et leur détermination à produire un dérangement total. Les oeuvres de jeunesse du groupe telles que Johnny Town-Mouse ou V.C.L portaient bien sûr sur elle une énergie punk éblouissante mais reflétaient aussi un processus de création accidentel et qualitativement inégal. Cette fois, et c’est ce qui impressionne le plus ici, on a vraiment le sentiment que les membres du groupe emmenés par Russell Smith ont enfin percé les lois de la nature et réussi à reproduire, tels des savants fous ou des génies malgré eux, un chaos d’éprouvette.
L’expérience de cette symphonie pour Pissenlits (Dandelions) et électricité est l’une des aventures les plus exaltantes de l’année 2016.
c’est vrai que cet album a été un electrochoc….et pourtant ca me semblait difficile d’égaler le sublimissime « angel in pigtails »….
je n’ai écouté cet album que 2 fois et j’ai vraiment accroché….ils ont un peu delaissé le côté trip sous substances illicites et sont revenus vers la 1ère période mais en plus psychédelique
magnifique et sans concessions