Brian Wilson, homme de chambre (1942-2025) en 3 chansons

Peignoir Brian WilsonOn ne vous fait pas la biographie de Brian Wilson. Ni la nécro. Juste trois chansons pour la route. Il était déjà parti depuis longtemps bien haut et bien loin avec son peignoir.

In My Room (1963)

There’s a world where I can go
And tell my secrets to
In my room
In my room
In this world I lock out
All my worries and my fears
In my room
In my room
Do my dreaming and my scheming
Lie awake and pray
Do my crying and my sighing
Laugh at yesterday
Now it’s dark and I’m alone
But I won’t be afraid
In my room
In my room
In my room, in my room
In my room, in my room

Ce n’est pas la chanson la plus dynamique, ni la plus emballante de l’histoire des Beach Boys mais ce titre composé par Wilson et Gary Usher en 1963 peut être considéré comme la matrice de toute la pop contemporaine. La composition ligne claire et la mélodie sont tout simplement parfaites et à la hauteur des meilleures créations de Wilson datant de cette époque et qu’on retrouvera à quelques encâblures de là sur Pet Sounds notamment. C’est surtout le thème et le ton qui parlent, mêlant les “marqueurs” de toute la musique qu’on aime : le rapport au secret, à l’enfance, aux peurs irrationnelles, aux fantômes…. le tout situé dans ce lieu-réservoir et quasi mystique qu’est la chambre. Wilson est le type qui vit sa vie en peignoir, entre le lit et le studio où il se traîne, prisonnier d’une chambre réelle et imaginaire dans laquelle il est SEUL (rarement à l’œuvre conjugale) avec ses rêves, son imagination, ses notes qui virevoltent, et qui est l’emblème de la profonde solitude du créateur, sa fenêtre unique sur le monde intérieur qui est le sien.

La chambre (“in my room”) est le domaine où naît la pop qu’on aimera par la suite : celle de Morrissey, avec ses posters au mur et ses légendes, celle de Robert Smith, celle de Lawrence (Felt), la chambre où on pleure, où on se cache, où on baise avec ses idoles cinématographiques, où on écoute les disques qu’on chérit. In My Room est la chanson qui révèle le fonds du tiroir des Beach Boys, la chanson masquée qui permet toutes les autres sur les petites amies imaginaires, les vagues, les bagnoles. La vie de Wilson ajoute à ce titre sa part de tragédie puisque la chambre sera aussi l’asile de la folie, rejoignant ainsi la destinée d’autres créateurs enclavés ou empêchés tels que Daniel Johnston ou Mark Linkous.

Surf’s Up (1967-1971-20XX)

Columnated ruins domino

Canvass the town and brush the backdrop
Are you sleeping, Brother John?

Dove nested towers the hour was
Strike the street quicksilver moon
Carriage across the fog
Two-Step to lamp lights cellar tune
The laughs come hard in Auld Lang Syne

The glass was raised, the fired rose
The fullness of the wine, the dim last toasting
While at port adieu or die

A choke of grief heart hardened I
Beyond belief a broken man too tough to cry

Surf’s Up
Aboard a tidal wave
Come about hard and join
The young and often spring you gave
I heard the word
Wonderful thing
A children’s song

On est incapable de dater précisément Surf’s up. Elle fait partie du projet Smile avorté en 1967 et connaît une naissance officielle sur l’album Surf’s Up qu’elle baptise en 1971, à partir d’un retravail en compagnie de Carl Wilson. Van Dyke Parks est évidemment associé directement à la première mouture. Ce qui fait l’intérêt de ce titre par delà sa sublime beauté tient dans la sophistication de sa construction. Certains ont parlé du génie de Wilson, comparable à celui des plus grands compositeurs classiques. Et on y est en plein. Le titre évoque à peu près tout sauf le surf (encore que…). Un homme assiste à un spectacle (la musique qu’on est en train d’écouter) et reçoit une sorte d’illumination, une fulgurance de beauté qui se traduit par une lumière et un retour en enfance. Surf’s Up est une sorte de définition de ce qu’est la pop. La chanson est constituée de deux mouvements et incorpore l’un des motifs d’un autre morceau, Child Is Father Of the Man, un titre qui renvoie lui-même au “sens” de Surf’s Up, puisqu’il y est question du rapport de l’homme à l’enfant et, à travers cette liaison, à Dieu. L’écoute de la musique dévoile le monde et le révèle : l’homme distingue autour de lui la prétention, la lâcheté et va se ranger du côté du monde révélé, le monde des gamins, des surfeurs, de la plage, du soleil et… de dieu. Par delà le commentaire savant, Surf’s Up est une chanson-monde, une chanson qui a des allures de ces descriptions vertigineuses de la Divine Comédie, lorsque Dante approche des portes du Paradis. Il s’en dégage cette même lumière. Est-ce le flash psychédélique ? Est-ce une vision inspirée par le LSD ? Est-ce une manifestation du divin lui-même ou une vue sur la Vérité ?

Le disque est sorti en single en 1971 et n’a pas du tout marché. La version enregistrée par Wilson en 2004 sur sa version du Smile (retrouvée) est fabuleuse. C’est probablement la plus grande chanson de Brian Wilson.

God Only Knows (1966)

On ne va pas se ridiculiser et tenter de dire des choses intéressantes sur ce morceau. Il suffit après tout de l’écouter pour savoir pourquoi il est important, juste, insensé. Bach. Dieu. Le mot. 20 musiciens. Baroque. Harmonique. Ambiguïté. La version mono est la plus belle. Elle contient toutes les dimensions et même la quatrième.

Photo : Capture d’écran d’un article présent sur cette boutique (ceci n’est pas un placement produit).

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