Il pleut aujourd’hui : Scott Walker est mort

Scott WalkerNoel Scott Engel est mort à l’âge de 76 ans. Idole des jeunes au milieu des années 60 au sein d’un groupe de faux frères, The Walker Brothers, le chanteur à la coupe de cheveux si caractéristique de ces années là, s’était assez vite distingué de ces camarades et envolé vers une carrière en solo marquée par la sortie de quatre albums baptisés Scott 1, Scott 2, Scott 3 et Scott 4, qui allaient l’imposer comme l’une des voix les plus singulières, séduisantes et classiques de la pop américaine. Comme Alex Chilton après lui, Walker allait connaître, au fur et à mesure qu’il construisait son oeuvre et affirmait sa personnalité artistiques, un lent glissement des musiques populaires vers un underground de légende où il côtoyait les fantômes des meilleurs crooners américains, mais aussi Jacques Brel ou d’autres grands compositeurs classiques.

Chanteur à éclipses, absorbé par son art, Walker avait en partie laissé filer les années 70 après le semi-échec de son album ‘Til The Band Comes In, une véritable curiosité baroque où l’on retrouvait des reprises blues et hillbilly aux côtés de morceaux stupéfiants et déchirants à l’image de Time Operator, l’histoire d’un homme seul retenu au monde par la seule affection de l’horloge parlante. Les Walker Brothers refaisaient surface en 1975 avec No Regrets, avant que Walker n’amorce avec Climate of Hunter (1984) puis surtout Tilt (1995), un retour au premier plan autour d’une musique résolument contemporaine, lyrique et industrielle à la fois, romantique et mécaniste, qui entrait en résonance avec les inspirations arty des nouvelles générations. A la production chez Pulp sur We Love Life, encensé par une grande partie des artistes de son époque dont David Bowie, Walker livrait alors deux albums solo aussi magnifiques qu’insondables, ainsi qu’une collaboration plutôt controversée avec le groupe Sunn O))).

Génie ou artiste surfait (sur les derniers temps), le débat faisait souvent rage à son sujet même si la balance penchait clairement du premier côté. Entre ses chansons des débuts, ses standards sublimes tels que When Joanna Loved Me, Such A Small Love ou Plastic Palace People, et le miracle qu’aura été l’album Tilt, la perle noire de ces années là, Scott Walker était l’une des grandes voix de l’underground triomphant. Ses derniers travaux l’avaient amené à travailler pour des musiques de films et quelques pièces instrumentales, en même temps qu’à embrasser des thématiques historiques amples et qui lui permettaient d’exprimer une forme d’engagement pour la liberté et l’humanisme.

Il rejoint le 25 mars 2019 les ambiances crépusculaires et lugubres qu’il habitait depuis des décennies. Il pleut aujourd’hui. Le meilleur des deux mondes, c’est ce qu’il voulait.

It’s raining today
And I’m just about to forget the train window girl
That wonderful day we met
She smiles through the smoke from my cigarette
It’s raining today
But once there was summer and you
And dark little rooms
And sleep in late afternoons
Those moments descend on my windowpane

Crédit photo : Scott Walker en 1967 (Wikipedia, licence CC BY-SA 3.0 NL).

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