Avec le label Novomundo pour guide, on continue de réviser rêveusement la géographie de l’Amérique du Sud. Le label français qui a jeté en particulier son dévolu sur la scène actuelle du Brésil et réalisé récemment les excellents albums de Jennifer Souza et Nana, nous emmène cette fois-ci du côté de João Pessoa, la capitale de l’Etat du Paraiba, au Nord-Est du Brésil (on ne fait pas les malins, c’est écrit dans la feuille de presse et on a sorti l’atlas du monde pour voir où cette ancienne cité hollandaise se situe). Avec une telle carte d’identité, et par méconnaissance, on s’attendrait à ce que Glue Trip, annoncé comme l’un des groupes les plus prometteurs de la région suite à la parution d’un premier EP Just Trippin en 2014, verse dans un mélange de samba et bossa-nova à écouter au bord d’une plage de sable fin. Les clichés sont coriaces mais sont ici balayés d’un revers de main.
En effet, Glue Trip se nourrit certes de son héritage local, mais pas que, loin s’en faut – d’ailleurs le duo utilise l’Anglais et non sa langue natale, ce qui doit largement contribuer à lui donner une ouverture internationale. On est donc bien loin de l’exotisme caricatural, quand bien même il fait ici une chaleur qui prête effectivement à la dilettante. Avec une plage ensoleillée de carte postale en point de mire (mais aussi une jungle qui oblige à regarder vers la mer pour s’échapper vers un horizon ouvert), Lucas Moura (sans rapport avec son homonyme du PSG !) et Felipe Augusto transpirent sur leurs instruments dans leur home-studio. La moiteur accable ces chansons, mais leur esprit divague loin, très loin…Les compositions de Glue Trip font preuve d’une très grande liberté et inventivité pour synthétiser des références pop contemporaines (on peut pointer des accointances avec Deerhunter dans l’écriture) et des sonorités typiquement sud-américaines (sans verser dans le folklore pour autant et avec la maîtrise et la légitimité que de nombreux groupes qui pratiquent le brassage culturel n’ont pas). Après une introduction agréable bien que plutôt convenu (La Edad Del Futuro) sur une plage de sable fin, le duo largue les amarres, canote non loin du rivage, louvoie vers le large, se fait tremper par une averse (le mélancolique Lucid Dream), reste en panne au milieu du pot-au-noir (Tropikaoss instrumental vaporeux et évanescent qui anesthésie les sens) puis atteint de nouvelles contrées fabuleuses… Glue Trip est un magnifique voyage, une porte qui s’ouvre vers un ailleurs.