C’est assez rare pour qu’on n’y attache pas tant d’importance que ça mais on n’est, malgré nos tentatives répétées (et professionnelles), jamais tout à fait rentrés dans la mécanique sophistiquée et référencée de ce nouvel album de La Terre Tremble !!!. La pochette est élégante, le concept est travaillé et on n’aimait jusqu’ici plutôt bien les propositions du trio. Mais Faux Bourdon est une pièce trop ambitieuse et luxuriante pour nos oreilles rudimentaires, si bien qu’on y a vu plus de technique et d’ambition que d’émotion.
Notre impuissance à être ému et transporté ne doit pas occulter les qualités de composition et l’extrême créativité qui sont à l’œuvre ici et situent ce projet trois divisions au-dessus de la moyenne des albums ou des groupes qu’on convoque habituellement. Henri and I, le morceau d’ouverture, suffit à lui seul à donner le ton, pièce baroque (de chambre) à la Neil Hannon chantée en grâce et enveloppée d’un velours d’électronique et de claviers vibrants. Les portes claquent. La production est riche et multiplie les couches, si bien qu’on ne sait parfois plus où donner de l’oreille et de la référence. A quoi a-t-on affaire au juste ? La question n’est pas là mais on arrivera jamais à s’en dépêtrer tout à fait, ce qui n’est jamais bon. The Life Within ressemble à un long tâtonnement déconstruit qui n’évoque pas tant que ça le foisonnement de la vie mais plutôt une expérimentation sans but. That Old Moonlight Through The Trash renvoie à ces chansons de dessin animé qui marient les talents du crooner et la poésie expressionniste des vieux cartoons tristes. C’est à la fois magnifique et un poil désincarné. Les harmonies vocales sont aventureuses mais paraissent parfois datées ou en contradiction les unes avec les autres. On n’arrive pas à cerner le propos et l’intention d’un titre comme Festina Lente, tandis qu’on plane complètement quand le groupe ouvre une fenêtre poétique et psychédélique vers les Flaming Lips ou le Pink Floyd sur le simplissime Melancholy of A Beautiful Day. D’une manière générale, on préfère lorsque le groupe foisonne et s’amuse (le virevoltant RingRoad Continuum), lorsqu’il tourne comptine (catch 2022) que lorsque qu’il concasse (Sannaires novels) ou se prend pour les Beach Boys (Pretend i’m there). De notre point de vue, l’assemblage ne fonctionne pas tant que ça et donne à Faux Bourdon une consistance confuse et fuyante qui nuit à l’immersion, malgré l’extrême qualité du matériau dont tout cela est composé. On peut goûter le rock psychédélique mais ne pas cracher sur la concentration. Entre pop, musique d’ambiance et jazz, on est parfois partout et souvent nulle part. Le disque manque un peu de chaleur humaine et de pièces au creux desquelles on aurait apprécié se lover.
On s’en veut d’autant plus d’être resté à l’extérieur de tout ça qu’on sent qu’il y a derrière cet album une audace et une virtuosité bien réelles. La Terre Tremble !!! est l’un de nos groupes les plus talentueux et ce n’est pas ce ressenti en demi-teinte qui nous fera changer d’avis. On pourra pour se faire une idée les croiser sur scène lors d’un de leurs prochains concerts, le 15 avril à Paris, le 21 à Bordeaux ou encore le 8 juin à Angers.
02. The Life Within
03. That Old Moonlight Through The Trash
04. Festina Lente
05. Melancholy of A Beautiful Day
06. Ringroad Continuum
07. Catch 2022
08. Svalbard
09. Sannaires Novels
10. Pretend I’m There