Ovule de Björk accouche d’une souris expérimentale

Björk - Fossora

On a perdu les clés de l’univers porté par Björk il y a bien des années maintenant, ce qui ne nous empêche pas de continuer à prêter une oreille attentive à ce qu’elle propose et à essayer de passer outre la représentation arty, les costumes, les enluminures trop précieuses pour nous et tenter d’écouter encore la musique. Notre dernier véritable émoi pour l’Islandaise remonte désormais à une quinzaine d’années. On avait bizarrement bien aimé Volta (2007) avant de perdre le fil. Alors que se prépare la sortie du onzième album de la chanteuse, Fossora, Björk propose un premier extrait tiré de ce nouveau disque intitulé Ovule.

On doit avouer qu’on y comprend pas grand chose. Les images sont soignées, esthétiques mais un peu ridicules pour qui aime la simplicité pop et le dépouillement. La symbolique (de quoi ?) ne saute pas aux yeux et on assiste, dans cette mise en scène de Nick Knight, à l’expression d’une intention incompréhensible et qu’on ne sait pas décrypter. La musique fait abstraction de la mélodie mais permet de trouver une demie-satisfaction dans le mélange d’un segment caressant, doux et à cordes et d’une irruption de basse qui nous rappelle que Björk a pu jadis s’amuser avec des amateurs de drum’n’bass. Passée la mise en place de ces deux « courants », le titre n’a plus grand chose à offrir et s’étire sur près de 4 minutes avec autant de régularité et de détermination qu’un titre de The Fall en 1978. Mais ce qui nous rebute le plus ici par delà l’aspect expérimental (contre lequel on n’a jamais manifesté aucune crainte ni répulsion), c’est qu’à la disparition mélodique s’ajoute désormais, dans l’œuvre de Björk, une forme de sublimation de la ligne vocale, laquelle se résume (comme dans les pires moments de Dominique A) à reproduire une ligne à quatre temps (teuteuteuteu) sur le même ton sans aucune intention véritable. De la part d’une chanteuse du niveau de l’Islandaise et à la technique si vaste et maîtrisée, le chant sur Ovule est non seulement pauvre, répétitif et affligeant, nous gâchant le plaisir des retrouvailles. Le texte rattrape un peu l’affaire même si le chant ne le sert pas, nous livrant une série d’images plutôt heureuses mais qui forment un dessein/dessin un peu difficile à suivre.

When I was a girl I felt love was a building
I marched towards but deadly demonic divorces demolished the ideal
Now with your romantic intelligence, the sensual tenderness

We dissolve old habits and place a glass egg above us floating
In the dark blood red oval void
Our lovemaking avatars in a shell

L’idée d’Ovule semble être de célébrer la fusion organique et virtuelle qui suit la réunion de deux cœurs un temps dissociés. L’émotion mêle l’angoisse d’une séparation survenue et probablement dépassée à travers une sorte de fusion ovulaire qu’on devine pouvoir être (mais est-ce si simple) une naissance. S’agit-il prosaïquement d’un bébé ou d’une créature du futur ? On ne voudrait pas passer pour un imbécile en fermant des portes mais on est à peu près certain qu’avec un peu de temps devant nous, on pourrait tirer de ce texte des tas d’interprétations stimulantes.

A notre échelle un peu basse du front, il faut avouer que la nouvelle Björk évolue toujours dans un monde trop élevé et sophistiqué pour nous et qui ne présente même plus la séduction d’un chant envoûtant pour nous distraire et nous tirer autre chose qu’une curiosité ennuyée. On reviendra évidemment en deuxième semaine pour écouter l’album entier.

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