Cela faisait des mois et des mois qu’on suivait sur Pledgemusic l’activité des frères Hartnoll aka Orbital, essayant de consolider le financement de leur nouvel album, Monsters Exist. Sans trop de difficulté, le duo pilier de la scène rave britannique des années 90 a récolté ce qu’il fallait pour que le disque existe et soit livré pour la rentrée. Soutenu par des lives étincelants mêlant vieux titres et présentation de quelques nouveautés, le disque paraîtra finalement le 18 septembre et devrait constituer l’un des événements majeurs de la rentrée électro.
Pour ceux qui étaient trop jeunes pour connaître ou vivre cette époque, Orbital a tiré son nom de la M25, l’autoroute périphérique qui entoure la capitale anglaise (« The Orbital », immortalisée entre autres, dans un livre indispensable signé Iain Sinclair, London Orbital, traduit l’an dernier aux Editions Inculte), et au bord de laquelle la culture rave a prospéré à la fin des années 80 et dans les quelques années qui ont suivi. Avec des albums colorés (le yellow album et le brown album), Orbital a non seulement incarné à lui tout seul l’entrée dans le champ des musiques enregistrées (professionnelles et marchandes, donc) des sound systems qui composaient l’environnement sonore des free parties mais aussi contribué à l’enrichissement du son du mouvement. Orbital a ainsi choisi de faire évoluer le son originel pour lui incorporer des séquences, des instruments ou des sons qui en ont élargi le spectre. Utilisation de la cornemuse ou d’autres instruments acoustiques, sonorités plus délibérément électro ou symphonique que strictement house, développement de motifs (souvent répétitifs tout de même) mélodiques et plus populaires que la base bpm traditionnelle. Les frères Hartnoll ont surtout formulé à partir de leur musique un discours politique anti-conservateur, libertaire et « de gauche » qui a pu (de ce côté-ci de la Manche) faire passer leur art comme un contre-point salutaire (et infiniment mieux fichu) que la techno versaillaise à la française. Plutôt Orbital que Air : c’est ce qu’on disait à l’époque et qu’on continue de penser très fort. Les frères Hartnoll se sont peut-être embourgeoisés avec le temps mais continuent de défendre une vision engagée et politique de leur art électronique. Trente ans après le démarrage des hostilités, les pignoufs à longs cheveux qui forment le contingent des DJs stars (à l’exception des Laurent Garnier et Dave Haslam qui étaient là aussi au début) ont évidemment passé l’arme à droite depuis longtemps.
Le retour du duo après son Wonky inégal de 2012 devrait être un triomphe, critique et commercial, si on en croit l’accueil réservé aux deux premiers extraits. Le second, tout frais, s’appelle P.H.U.K (pas la peine d’expliciter) et est caractéristique de la manière des frères Hartnoll. Le motif est ultra séduisant, le contenu rétro-futuriste (presque un peu trop vintage ou old school aux oreilles des plus exigeants) et illustré par un clip qui souligne la confusion dans laquelle se trouve le pays à la suite du Brexit. Les images et les sons s’accordent pour exprimer un désarroi qu’on trouve ici un peu léger et guilleret pour ce qu’il est. Le morceau est toutefois plus qu’attirant, long en bouche et digne d’intérêt. On peut toujours rêver/raver.
Monsters Exist d’Orbital sort le 14 septembre.