Savages / Adore Life
[Matador / Wagram]

Savages - Adore LifeOn avait apprécié Silence Yourself, premier album des filles post-punks de Savages. Certes : rien de neuf sous le soleil noir « Siouxsie / Wire / Elastica », mais au moins Camille Berthomier coupait-elle court à la douceur fragile de John & Jehn pour s’en remettre aux guitares fracassées et à une pop très sexuée.

Depuis, of course, le quatuor féminin a pris de l’assurance, rodé le discours, monté les amplis et, à force de concerts vindicatifs, cherche dorénavant à jouer dans la cours des grands plutôt que dans celle des habiles recycleurs cold wave. Pour Savages, l’émancipation commence avant tout par le souhait d’apporter fond et consistance à un deuxième album qui n’en méritait pas tant (voir, à ce propos, l’effarant dossier de presse qui use et abuse de phrases aussi pompeuses telles que « Parler de toi et moi et des autres » ou « Être la solution, pas le problème »). Ok : les filles de Savages sont de piètres sociologues ainsi que des observatrices moyennes des actuels questionnements mondiaux. Du reste, qu’importe : l’auditeur n’attend guère de Savages la solution à tous nos problèmes économico-politico-écologiques mais, banalement, un bon disque de rock qui incite à monter haut le volume sonore de la chaîne hi-fi. Or, cette soudaine inclinaison au grave, à la pensée, plombe royalement chaque composition d’Adore Life, album très conscient de lui-même, dénué de toute spontanéité ; un album (attention au gros mot) « mature ».

En soi, musicalement, Savages n’a pas trop changé depuis Silence Yourself : il s’agit, encore et toujours, d’écarts Banshees, d’embardées Bauhaus, de brefs contours Polly Jean, auxquels s’ajoute aujourd’hui une écoute attentive des Smiths (le titre Adore ne laisse planer aucun doute sur l’influence Steven Patrick Morrissey). Sauf que voilà : cette affaire se prend terriblement au sérieux, à la limite du sentencieux. Comme si le groupe (on ne sait trop pourquoi) avait ici honte de sempiternellement labourer son territoire post-punk. Impossible d’en vouloir à Savages : le cloisonnement corbeau, chez grand nombre d’artistes internationaux, commence effectivement à sentir l’adolescence rétrograde (au mieux) ou l’exercice pratique afin d’épater les journaleux (au pire). Mais Camille et ses copines n’ont pas les bonnes idées : loin du revirement ou de la totale remise en question, elles préfèrent théâtraliser, grossièrement dramatiser leurs références primaires. En résulte un disque « à messages » (trop arty, trop flou dans son propos pour croire une seule seconde à la sincérité des intentions) dont basse, guitares et batterie se voilent d’un excessif apport tragique, d’une pesanteur concernée (même Camille paraît vocalement en faire des tonnes). Avec Adore Life, Savages ne dit rien mais voudrait convaincre de l’inverse. Où sont donc passées les filles cools, simples et joueuses d’hier ?!

Tracklist
01. The Answer
02. Evil
03. Sad Person
04. Adore
05. Slowing Down the World
06. I Need Something New
07. When in Love
08. Surrender
09. T.I.W.Y.G.
10. Mechanics
Écouter Savages - Adore Life

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