Sorti en début d’année, ce premier album très prometteur de Desperate Journalist, en tournée britannique pendant l’été, mérite un petit détour. Il serait en effet dommage de passer sous silence un si bel album, celui d’un groupe londonien à moitié féminin, tant ils se font rares.
Fort du magnifique EP Cristina et de quelques singles, le quartet fondé en 2013 porte le nom d’une démo de Grinding halt, un titre des premiers pas de The Cure (Three imaginery boys) dont une version a été enregistrée par la BBC en 1979. Cette première référence annonce déjà la couleur.
Les petites pépites d’écriture nous remémorent tout aussi bien la Britpop des années 90 de Gene, que le post-punk mâtinée de cold wave des années 80 (Siouxsie and the Banshees, The Smiths) ou plus récemment Savages et les regrettées de The Organ, ces deux derniers constituants d’excellents girls band.
L’esthétique de la pochette alliée à la concision des noms de chaque morceau évoquent les premiers albums de The Cure, Joy Division et New Order.
Control ouvre l’album avec panache ! On peut déjà parler de single en puissance tout comme Cristina et Hesitate. Avec un style plus dynamique et noisy, surtout dans les refrains, que ne l’a été The Organ en son temps, on se retrouve en terre connue.
Les sons si particuliers de la guitare 12 cordes Rickenbacker distillés de notes limpides et maîtrisées par Rob Hardy, la basse froide et ronronnante de Simon Drowner dans l’ombre d’un Steve Severin, sans oublier Caroline Helbert, dont le rythme épuré soutient l’ensemble instrumental nous font frétiller corps et esprit.
On n’oubliera pas O dont l’intro guitaristique ne saurait être dénigrée par Billy Duffy de The Cult. Certains morceaux se trouvent agrémentés des solos à la fois bruitistes et mélodiques.
Arrive ensuite Remainder, titre plus posé et sans doute le moins fédérateur (encore que…) dont les saturations de guitare sont totalement absentes.
On pense parfois à The Sundays ou All about Eve, autres chantres oubliés de lypémanie et de pop fraîche.
Le tempo se ralentit. Sur une intro plus calme et dont la basse traitée au chorus est mise en avant, Distance amène une petite respiration nuancée providentielle au milieu de ces titres énergiques.
Nothing commence comme du All About Eve au jeu de guitare très Banshees, voire Gene. Le solo dénué de toute démonstration est d’une efficacité redoutable par sa simplicité et son émotion ravageuse.
Puis Happening autre single dont le refrain désenchanté et emphatique allié à une basse ferme semble raviver de nouveau l’esprit de Gene.
Et cela continue avec Eulogy et une voix poussée à la Martin Rossiter.
S’installe Heartbeats, la petite douceur de l’album aux arpèges typés agrémentés de quelques lignes de basse à la Peter Hook. Jo Bevan s’égosille alors en répétant en anglais ‘Je ne supporte plus les battements de ton cœur…’. On comprend l’ambiance délétère et délectable de ce titre qui nous plonge dans une sorte d’amertume écorchée vive, témoignant d’une adolescence dépressive… de solitude et d’isolement. Sublime.
Cement clôture l’album sur une balade dans la même veine élogieuse des compositions proposées lors de cette écoute, nous immergeant dans une nostalgie rassurante et revigorante. Cela nous colle à la peau.
Grandiloquence, obscurité, nonchalance, dynamisme… Serait-ce enfin la relève d’une pop toute britannique ? Qui se renouvelle tout en piochant dans le caveau de son glorieux passé ?
Au tournant d’une société en pleine mutation, Desperate Journalist ressuscite une mélancolie douce-amère au sein d’une nouvelle génération de musiciens qui, pour une fois, se révèle authentique et respectueuse de ses aînés.
02. O
03. Cristina
04. Hesitate
05. Remainder
06. Distance
07. Nothing
08. Happening
09. Eulogy
10. Heartbeats
11. Cement
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