Qu’il est agréable de savoir que les Trashcan Sinatras existent encore. Car l’écoute épanouie des classiques I’ve Seen Everything et A Happy Pocket remontent maintenant à loin (quand bien même ces deux disques, d’une fragilité pop exemplaire, ne vieilliront jamais). Depuis, les Écossais (et son génial Frank Reader – chanteur aussi pince-sans-rire que Neil Tennant) continuaient à ravir le fan avec des disques de plus en plus confidentiels, de moins en moins chroniqués (sauf par le journal Magic, dont l’arrêt soudain signifie également une visibilité moindre pour les groupes cultes).
Il est à parier que Wild Pendulum, sixième (déjà ?) album des Trashcan, passera inaperçu. Qui, aujourd’hui, oserait prendre le temps d’écouter, au calme, entièrement concentré, douze morceaux « vintage » qui refusent l’appellatif « attention : chefs-d’œuvre » ? Qui, parmi les auditeurs pressés, accepterait de se livrer à un disque modeste un peu hors de l’époque ? Certains parleront de clémence nostalgique. Nous, pas.
En 1993 comme en 2016, les Trashcan Sinatras gravitent dans une bulle sans lien avec la frénésie et l’emballement contemporains. Ce groupe, comme The Beach Boys ou XTC, est isolé dans sa création : les tendances n’influencent en rien ces nouvelles architectures sonores, les formations acclamées n’auront jamais la moindre influence sur le travail de Frank Reader. Tant mieux : Wild Pendulum est un disque qui s’installe chez soi dès la première impression ; parce qu’il s’agit d’une collection de chansons que l’on n’attendait pas, de morceaux à garder pour soi (trop d’amis accros à l’écoute zapping pourraient en casser la modeste beauté). Wild Pendulum exige de ralentir la cadence pour mieux en apprécier, dans la longueur, sa discrétion, son bel anachronisme.
Ce disque, à l’instar des derniers Peter Astor ou Robert Forster (autres vieux combattants d’aplomb), refuse la facilité du folk et préfère puiser dans ce que le groupe sait faire de mieux. Dans le cas des Trashcan : la pop orchestrale, la symphonie de poche. À l’écoute des magnifiques (mais effleurés) Autumn ou The Neighbour’s Place, l’ombre de John Cale (décidément le grand manitou de l’année 2016) revient fureter. Non pas le Cale malade, zulawskien, de Music For A New Society ; celui, faussement paisible, de Paris 1919 et Fear. Wild Pendulum appartient effectivement à cette lignée d’ouvrages chatoyants mais déséquilibrés, accessibles mais délicatement fendillés. Inversement à de nombreux groupes affichant, avec fierté, la folie en étendard (alors qu’il n’y a rien derrière), les Trashcan, eux, se rêvent communs, terrestres, pour mieux camoufler leur anormalité.
02. Best Days on Earth
03. Ain’t That Something
04. Autumn
05. I Want to Capture Your Heart
06. All Night
07. The Neighbours’ Place
08. The Family Way
09. I’m Not the Fella
10. What’s Inside the Box
11. Waves (Sweep Away My Melancholy)
12. I See the Moon