A vrai dire on n’est pas complètement certains que les routiers apprécient à sa juste valeur ce morceau. On a eu beau chercher en ligne aucune étude digne de ce nom ne semble s’être intéressée à ce qu’écoutent les routiers d’aujourd’hui dans leurs gros camions : radio, CDs, livres lus, etc. Il y a bien sûr les concernant ce mélange d’imagerie beauf (filles et posters, etc) et de sophistication extrême (le fameux sketch de Jean Yanne sur les routiers sentimentaux) qui brouille un peu les cartes. Toujours est-il que les morceaux pop et électro-pop consacrés aux routiers et aux camionneurs ne sont pas légion, alors qu’on compte des dizaines de morceaux qui en sont dérivés dans le domaine folk. Est-ce à dire que les routiers ne sont pas un sujet d’inspiration légitime ou alors que tout le monde s’en fout sauf lorsqu’ils se mettent en grève ? Même Kraftwerk, pourtant spécialisé dans l’étude musicologique des modes de transport n’y a jamais mis les pieds.
Heureusement, et encore une fois, l’ami Stephen Jones est là pour remédier à ce manque criant. Sous l’étiquette Trucker, il avait signé l’an dernier un album, Songs To Truck To, qui n’était pas notre préféré dans sa série de disques diffusés sur Bandcamp. Après avoir liquidé son Black Reindeer et entre deux autres projets, il a ressuscité Trucker et son imagerie criarde à base de photos trafiquées pour un nouvel album, Trucker 2, dont ce morceau est l’éclaireur. Electro-synthétique et mélancolique, option mécanique spécialisée, voici la nouvelle orientation du projet. C’est simple, un tantinet répétitif mais le morceau déploie habilement ses charmes, tel une beauté alanguie sur le capot d’un mastodonte. Renvoi à la mythologie du camion US, à celle de l’asphalte qui s’étire et qui n’en finit pas de nous conduire nulle part : on en redemande jusqu’à la prochaine fois. Avec Stephen Jones, le routier est poétique, sentimental et se languit de ne voir ses gamins que le weekend. On en pleurerait.
L’album devrait débarquer d’ici quelques jours dans l’indifférence générale et toujours au même endroit. Même les routiers n’en entendront probablement jamais parler. Dommage.