Antony Szmierek / Service Station At The End of The Universe
[Mushroom Music / Virgin Music Group]

9 Note de l'auteur
9

Antony Szmierek - Service Station At The End of The UniverseSur la foi des premiers singles, on espérait beaucoup du premier album de l’ancien professeur d’anglais, poète et romancier (confidentiel) Antony Szmierek. Service Station at the End of The Universe confirme les bonnes impressions laissées par le Mancunien : Szmierek s’impose, à 32 ans, comme le successeur le plus évident, et lettré, de Mike Skinner de The Streets, même si ce dernier a repris du service.

Alors que le premier racontait avec Original Pirate Material la vie d’un gamin marqué par les sorties, la ville et un environnement modeste, Szmierek propose quelque chose de plus travaillé côté textes, plus écrit et romanesque mais qui occupe cette même fonction de raconter la vie de tous les jours à travers une approche plutôt réaliste et humble des préoccupations des jeunes Anglais de la classe moyenne inférieure. La bande son est en revanche assez similaire et tout aussi séduisante, bien qu’un poil moins dynamique (les deux n’ont pas le même âge et la scène néo-rave pas la même amplitude que celle d’hier), créant un tapis de beats, d’invites à la dance, assez cool, et sur lequel on croise parfois des séquences comme empruntées au Madchester historique (Angie’sWedding avec ses échos fantomatiques des Happy Mondays) ou au Pulp de Separations.

L’ensemble est hypnotique, atmosphérique et très agréable à suivre. Ce n’est évidemment pas un hasard si Szmierek commence son odyssée dans un station service, celle qui donne son nom à l’album en référence (doublée sur The Hitchhiker’s Guide To The Fallacy) au livre culte de l’écrivain Douglas Adams. Le disque est un parcours jalonné de rencontres, de situations, de lieux autour desquels Szmierek va tenter de dresser un portrait du monde dans lequel il vit.

Watch the wet floor sign, and the luminous gloop on the underside
A child takes a ride in a coin operated meteorite
Fair play, kid
Half a song to the right and I’m on the motorway bridge
Straight out the 1960’s
18-wheeler capsizes in my mind’s eye
How’s that for voyeuristic?
If we all crashed I like to think I’d be the one to fix it
Well

La prose est élégante, l’environnement décrit en quelques mots choisis si bien que l’effet d’immersion est puissant. On ressent immédiatement ce sentiment de familiarité et d’étrangeté qui convient au lieu. Le narrateur de Szmierek est souvent déboussolé, perdu, alors qu’il circule près de chez lui. Sur Rafters, on retrouve un thème cher à The Streets et devenu classique : celui d’un type qui revient d’une fête et a perdu tous ses repères. Le beat, pas des plus recherchés, scande l’errance, et suggère le flottement. Le chanteur en profite pour réfléchir sur le sort du monde, le sens des choses, alors qu’il n’en a visiblement plus les moyens. On pense au Different Class de Pulp, à la tristesse élégante de Bar Italia pour le texte, à The Streets, encore et toujours, pour la prod. Sur The Great Pyramid of Stockport, Szmierek évoque la construction d’une pyramide moderne qui a abrité le siège d’une compagnie d’assurances avant d’être transformée en restaurant indien. Il s ‘agit souvent d’interroger le rapport au temps, et ainsi de savoir ce qu’on fout là. “Cleopatra lived closer to the France ’98 World Cup than the construction of the pyramids” Cléopâtre a vécu plus près de la Coupe du Monde 1998 que du moment où on a construit les pyramides. C’est le genre d’épiphanies qu’on croise ici et c’est à la fois beau et juste, inspirant et poétique.

On danse sur Big Light, une remarquable chanson d’amour, avant de vivre de l’intérieur un cours de yoga sur Yoga Teacher. On ne sait pas si Szmierek chante ici du point de vue d’une femme ou de celui d’un homme mais l’évocation d’une âme perdue qui tente de se trouver et de se connecter aux autres en s’accrochant à ce cours est très bien vue. Le flow du chanteur est calme, posé et solidement calé sur un accompagnement qui varie suffisamment d’un titre à l’autre pour qu’on ne s’ennuie jamais. C’est évidemment la qualité de l’écriture qui fait la différence sur Crumb (je veux être une miette dans ton lit…) ou encore l’excellent Take Me There. Le voyage est fabuleux, nocturne. On plane de station en station, comme si on sortait nous-même d’une soirée dans un état second. Les chansons n’ont parfois pas grand chose à dire mais elles le font toutes avec un vrai talent, une vraie capacité à saisir les sentiments sur un vers ou deux.

On adore Restless Leg Syndrome. Cette fois, le narrateur est tellement pris dans ses pensées, qu’il n’arrive plus à les arrêter. Il ne parvient pas à dormir et risque la surchauffe. Son regard se pose sur chaque personne et la description se déroule comme dans un flot/flow de conscience impétueux et qui s’enroule comme un boa autour de nous. C’est assez virtuose et aussi particulièrement agréable à écouter, comme si on écoutait la radio tard le soir ou un type en train de nous lire une nouvelle qu’il est en train d’écrire.

Some people are still out, I think
Some are jugging, arguing, fucking
Placing careful calorie controlled meal-prep into a Tupperware box into a branded rucksack ready to do nothing
There’ll be a word for that in German
In the movies, people only use their inhaler when they’re nervous
I hate that shit
You ever wait another ten years to have children, then I’ll never meet my grandkids
I’m not sure if that’s something I’m completely fine with
Never been that good at perfect timing
And that’s me about to spiral
Went out the darkness, your arms close around my waist
And you don’t even notice the dry skin on my neck, or the look on my face
Or how sometimes I suspect I am, in fact, just a waste of space
It’s simply “come back to bed”
“Okay” I said, and “okay” I said again

Il faut bien sûr pour apprécier le disque prendre le titre de parcourir les paroles puis se laisser prendre par la main. Service Station At The End of The Universe est un disque original et à l’écoute particulièrement gratifiante. C’est du hip-hop qui n’en est pas vraiment, un joli voyage au bout d’une nuit qui éclaire sur la nature de l’homme et les 1001 questions qu’il se pose pour avancer.

Tracklist
01. Service Station at The End of The Universe
02. Rafters
03. The Great Pyramid of Stockport
04. Big Light
05. Yoga Teacher
06. Crumb
07. The Hitchhikers’ Guide To The Fallacy
08. Passingthru (feat. Kate Ireland)
09. Take Me There
10. Restless Leg Syndrome
11. Crashing Up
12. Angie’s Wedding
Écouter Antony Szmierek - Service Station At The End of The Universe

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