N’en déplaisent à certains : tout le monde n’est pas fan de The Coral et ce groupe a le profil pour jouer en seconde division, quand bien même les Anglais furent érigés en têtes de gondoles au Royaume-Uni au tout début des années 2000. Alors, si on considère que ce groupe est anecdotique autant dire qu’on en avait cure de son ancien guitariste parti dès 2008 pour se consacrer à sa carrière solo. C’est ainsi qu’on aura croisé les albums de Bill Ryder-Jones, qui a toujours bénéficié du solide appui de Domino, sans y prêter trop d’attention, même si on le trouvait cool dans sa baignoire pour l’album West Kirby County Primary (2015).
Mais comme tout en musique est affaire de passion et de subjectivité, on pourra se permettre sans ciller de s’amouracher de Yawn, son quatrième album. Cette fois-ci Bill Ryder-Jones à une dizaine d’années et nous tire la langue effrontément sur la pochette. Pied de nez assumé pour un album profondément frappé par la mélancolie qui secoue lorsque les jeunes années s’éloignent. Il faut dire que la machine à souvenirs est immédiatement mise en action : chant effondré près du micro, batterie sèche à contre-temps et grandes décharges de guitares électriques dépressives. On notera aussi de discrets arrangements de cordes – du violoncelle bien évidemment, car décidément l’heure est grave. L’Anglais ressasse les grands poncifs du slowcore de la fin du siècle dernier et réduit sans peine la distance qui le sépare de l’auditeur. Yawn est une perle (noire) anachronique, dangereusement intimiste derrière ses atours de coolitude. Time Will Be The Only Saviour ressemble à du Pavement joué par Codeine. On pense aussi à Bedhead et encore Built To Spill – pour les sonorités rêches et franches, pour la production brute, pour la balance entre le chant cotonneux et la tension sous-jacente des instruments, pour l’espace entre les notes. Le temps de There Are Worse Things I Could Do, Bill Ryder-Jones et ses musiciens (ou est-il vraiment seul à tout faire ?!) bandent les muscles façon Pixies. Mais alors qu’on attend que l’Anglais éructe, il se contente de hausser tout juste le ton en fin de chanson, comme s’il essayait d’évacuer un sanglot qui reste coincé dans la gorge. Le coup de griffe s’estompe vite pour laisser place à de belles ballades (No One’s Trying To Kill You relevé de chœurs féminins ou encore Happy Song pour finir l’album en chialant). On n’aime rien tant que ces albums dont on attend rien et qui donnent beaucoup.
Bill Ryder-Jones – Mither
02. Time Will Be The Only Saviour
03. Recover
04. Mither
05. And Then There’s You
06. There Are Worse Things I Could Do
07. Don’t Be Scared, I Love You
08. John
09. No One’s Trying To Kill You
10. Happy Song