Will Oldham / Songs of Love and Horror
[Domino Records]

4 Note de l'auteur
4

Will Oldham - Songs of Love and Horror« En appui d’un livre du même nom rassemblant sur plus de 300 pages des informations discographiques et les paroles de ses chansons, Will Oldham livre, avec ce Songs of Love and Horror, une compilation de douze titres issus de son catalogue qu’il réinterprète en version acoustique. » Ce n’est pas l’argumentaire presse qui sert la promotion de cette nouvelle collection d’Oldham mais le dire ainsi soulève déjà pas mal de circonspection et de doutes. On a gardé un souvenir plus que mitigé des précédentes réinterprétations proposées par le frère Palace, à l’image de l’assez traumatisant Greatest Palace Music de 2004 qui massacrait en version country des chefs d’œuvre parus les années précédentes.

Cette fois-ci, le résultat est un peu moins foireux mais il faut se rendre à l’évidence : revenir de cette manière désolée et ralentie sur les chefs d’œuvre du passé ne répond à aucun fantasme de notre part et conduit presque à chaque fois à des versions nettement inférieures aux originales. On peut contre-argumenter et défendre l’entreprise en disant que Songs of Love and Horror rend justice aux chansons et permet de mettre en valeur la qualité de chant du barde de Louisville mais avait-on vraiment besoin de s’en persuader ? Pour dire la chose, la séduction de ces reprises est inversement proportionnelle à la force des chansons originales. Il suffit de s’intéresser ici à I See A Darkness, à Ohio River Boat Song et à New Partner pour faire un sort au disque. Le premier est l’un des titres les plus forts, les plus simples et les plus fascinants de la discographie de Oldham. La version originale est âpre et désespérée. La nouvelle version est éteinte et gentille comme tout. L’angoisse a disparu et a été remplacée par une sorte d’inquiétude « mou du genou » qui transforme l’abîme initial en une sorte de mélancolie blues qui tâche. Il ne faut pas en faire trop : cela reste très agréable à écouter. Ohio River Boat Song est probablement l’une des plus belles chansons qu’Oldham a jamais écrite. Elle est d’une élégance folle et d’une souplesse extraordinaire dans sa version originelle, une chanson magique, aérienne, où le chant vient se lover note à note dans le jeu de guitares. Ici, l’harmonie entre la guitare et la voix est comme rompue. Si c’est la même personne qui joue, on entend la dissociation ce qui conduit à ruiner l’effet symbiotique initial. Le mouvement et le lyrisme sont neutralisés et conduisent à banaliser et à castrer le morceau. Ralentie et privée de son mouvement ascendant, New Partner, l’un des grands titres amoureux du chanteur, ne décolle plus, comme si on avait vidé l’enthousiasme maladroit d’il y a vingt ans pour le remplacer par une bête interprétation technicienne et qui ne croit plus en ce qu’elle raconte.

On peut trouver son compte ailleurs sur ce disque : les chansons sont magnifiques et l’absence d’arrangements permet de se concentrer sur les textes et la beauté d’une voix que d’aucuns ont beaucoup critiqué. Oui, Oldham sait chanter et il le fait bien. Oui, Oldham sait jouer de la guitare et garde dans son jeu suffisamment d’accidents et de bizarreries pour que l’ensemble soit intéressant et  tout à fait agréable mais l’entreprise est vaine et n’apportera rien à ceux qui connaissent les titres de départ, rien surtout à ceux qui ne les connaissent pas, si ce n’est un peu d’apaisement et de paix (ce qui n’est pas si mal).

On sauvera de tout ça une belle reprise de Richard et Linda Thompson, Strange Affair, et surtout la perle qui referme le disque : un morceau d’archive qu’on ne connaissait pas et qui justifie à lui seul  l’écoute (et peut-être l’achat) de cette compilation. Cela s’appelle Party With Marty et c’est un bonheur digne de la découverte du premier album du bonhomme, spontané et brut. Ce titre, par son génie et sa simplicité, suffit à résumer ce qu’on a jadis aimé chez Oldham et qu’on retrouve désormais par intermittence. Le reste ne sert à rien.

Tracklist
01. I See A Darkness
02. Ohio River Boat song
03. So Far And Here We Are
04. The Way
05. Wai
06. The Glory Goes
07. Only Someone Running
08. Big Friday
09. Most People
10. Strange Affair
11. New Partner
12. Party With Marty
Écouter Will Oldham - Songs of Love and Horror

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