[EXCLUSIF] – Terminal Cheesecake : Cheese Brain Fondue en concert à Marseille sur Youtube

9 Note de l'auteur
9

Terminal Cheesecake Cheese Brain FondueAprès plusieurs années de break, le Terminal Cheesecake, le groupe psychédélique punk le plus brillant d’Angleterre, était revenu aux affaires en 2013 annonçant une série de concerts puis un album à venir qui devait débarquer quelques années plus tard (2016) et recevoir les critiques enthousiastes qu’on connaît. On en parlait ici dans un article saga épique et dans notre section chronique. Dandelion Sauce of The Ancients décrochait en 2016 le titre du meilleur comeback de l’année.

Avant ce disque incroyable (et qu’on recommande toujours), le Terminal Cheesecake nouvelle version s’était offert une escapade royale sur la Canebière et payé un enregistrement live qui avait fini de convaincre les promoteurs que ce groupe-là avait encore de remarquables choses à dire. C’est aujourd’hui jour de fête. Le disque joliment baptisé Cheese Brain Fondue : Live in Marseille fait l’objet d’une ressortie en digital, sur Bandcamp, à l’initiative d’Atypeek Music/Artificial Head. Qui plus est, pour ceux qui manqueraient d’argent ou voudraient plus raisonnablement l’acheter, l’album fait l’objet d’une mise en ligne exclusive et intégrale sur youtube via notre site partenaire. L’occasion de plonger en immersion complète au cœur de près de 75 minutes époustouflantes, à la puissance et à l’inventivité dévastatrices. Pour la boutique, c’est ici.

Terminal Cheesecake à Marseille est quelque chose qui s’écoute en mettant le son très fort, un miracle et un mirage à guitares qui s’appuie sur une setlist magistrale et reprenant les plus grands morceaux du groupe. Neil The Fish et Dave Cochrane, les anciens Gnod, sont venus remplacer le chanteur initial Gary Boniface et redonner tout son lustre au son du Cheesecake. La batterie de John Jobaggy vaut à elle seule trois légions de Tambours du Bronx tant elle fait feu de tout bois pour lutter contre la prévalence des guitares.

Ceux qui aiment les musiques « bruyantes » savent qu’il est quasiment impossible de rendre sur disque ce qu’on entend dans la salle : les larsens, les effets, la profondeur du son, le niveau et l’intensité. Pour la première fois, on a l’impression avec ce disque du Terminal Cheesecake que la prise de son et la lisibilité à laquelle accède le groupe sur cet enregistrement est l’exception qui confirme la règle. On n’a jamais osé rêver d’un live de My Bloody Valentine ou d’un vrai concert saisi sur le vif (pas celui auquel on a eu droit) de Mogwai : mais le Terminal Cheesecake l’a fait. Cheese Brain Fondue marie une puissance absolument cataclysmique et une virtuosité dans le jeu de guitares qui permet à la mélodie et aux variations de jeu de n’être jamais enfouies ou étouffées par le son. Il suffit ainsi de se projeter un peu partout dans ce live pour s’en rendre compte. Les morceaux de bravoure sont légion : on doit citer d’emblée deux des morceaux signatures du groupe, venus de sa première époque. Bladdersack et surtout une version étendue d’un Johnny Town-Mouse qui n’a jamais sonné plus horrifiquement échappé des pages de Beatrix Potter. Bladdersack est né en 1988 mais la version actuelle est infiniment supérieure à celle plus punk et ramassée de l’époque. La batterie est inégalable et rend à ce conte à cordes toute sa dimension transgressive. Le Terminal Cheesecake, non content de produire la musique la plus détonante de l’époque, convoquait à l’appui de ces histoires à dormir debout un bestiaire monstrueux qui suffisait à faire voyager et frissonner. Ces visions étaient-elles produites par la drogue ou par la puissance du son elle-même. Etait-on même sûrs d’entendre ce qui était vraiment joué ?

Gordon Watson et Russell Smith forment un duo de guitares incroyablement efficace. Leur jeu est tantôt couplé mais le plus souvent détaché l’un de l’autre pour triturer la matière sonique et gérer son explosion. Le schéma de jeu consiste le plus souvent à lancer une longue introduction, chantée ou non (Blow Hound) avant que le morceau ne s’emporte lui-même dans une brèche temporelle d’où il ne ressort jamais que diffracté ou explosé en mille morceaux. L’excellence de l’album à venir est préfiguré dès ce concert à l’Embobineuse (la salle où se donne ce spectacle d’anthologie) par l’apparition après 30 minutes de Poultice, qui donnera, sur disque, l’un des morceaux les plus saisissants du nouvel album, plus lourd, plus stoner peut-être. Le Terminal Cheesecake enveloppe sa mélodie dans un écrin fuzzy qui réussit le prodige d’écraser le son, de lui donner une longue traîne sans perdre en aucune manière de sa dynamique. C’est cette qualité (le fait d’écrabouiller le son tout en ne l’étouffant pas) qui a toujours fait la singularité du groupe. A aucun moment, la puissance ne prend pas le pas sur la musicalité. A aucun moment, la recherche d’effets ne domine la volonté de continuer à broder autour du morceau. On pourrait s’extasier pendant des heures sur la reprise atrophiée du Pink Floyd, Valium Chicken Leg, assez géniale ici et qui taquine les 20 minutes d’expérimentation. Il y a une vertu dans l’étirement des morceaux, une recherche quasi exhaustive des motifs qu’on peut tirer d’un canevas initial pour l’épuiser et exposer ses entrailles au public. Comme Pere Ubu, mais de manière encore plus radicale, Terminal Cheesecake consomme les notes une à une, les dissèque jusqu’à leur faire rendre gorge. Que dire encore de Herbal Space Flight si ce n’est qu’on a jamais volé si haut et si bien que sur le dos de cette chanson ?

On s’arrêtera là. Notre enthousiasme pourrait paraître suspect mais ce disque est à écouter au moins une ou deux fois dans sa vie, pour s’en remplir les oreilles et faire l’expérience de la vie avant la mort.

Tracklist
01. Fake Loop
02. Bladdersack
03. Johnny Town-Mouse
04. Blowhound
05. Poultice
06. Wipey
07. Herbal Space Flight
08. Lazy Hard On
09. Valium Chicken Leg
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