On se souvient d’un papier d’Emmanuel Tellier, in Les Inrockuptibles, à propos de Version 2.0 (deuxième album de Garbage), dans lequel le journaliste présentait ainsi le groupe mené par Shirley Manson : « Garbage n’a pas de génie. » C’était vachard mais justifié. Pour cause : Garbage n’a certes pas de génie, la formation possède en revanche beaucoup d’efficacité. Voilà pourquoi aucun disque du quatuor ne peut prétendre à la perfection. Chez Garbage, un écart sirupeux, un rouleau compresseur mastodonte ou bien une foireuse tentative électro empêchent, à chaque fois, autre chose que la mention « bien mais… ».
Garbage n’est pas (vraiment pas) un groupe à albums. Or, cette tare, chez eux, se transforme en atout. L’affection que l’on porte à Garbage s’explique donc tel quel : une multitude de singles surpuissants, dopés par la belle (à vie) Shirley, studieux au point de violemment rechercher le mur du son définitif. Car de Vow (chef-d’œuvre de la bande) jusqu’à Run Baby Run, en passant par I Think I’m Paranoid ou Stupid Girl, Garbage n’a sorti que des albums décevants avec d’excellents morceaux dedans. Un petit grand groupe, en somme.
À l’écoute d’Empty (nouveau single emphatique qui annonce un sixième LP – Strange Little Birds, le 10 juin), le (presque) fan se croit revenir en 1995, au moment où Garbage enquillait les tubes indie-rock / pop-grunge. Empty respire le Vow à plein poumons, le geste plus lent, le savoir-faire au détriment de l’instinct. Une bête domptée qui rugit par réflexe, pour le principe. Pas une si mauvaise nouvelle : Garbage qui fait du vieux Garbage, cela peut donner lieu à deux ou trois bons morceaux qui justifieront ce retour aux affaires (et l’achat d’un disque que l’on rangera après trois écoutes pour lui préférer les vidéos sur YouTube).