Un nom à coucher dehors et un look qui le fait ressembler à un croisement entre Rahan et Marie Ingalls de la Petite Maison Dans La Prairie. Jaakko Eino Kalevi brave farouchement les canons du hipster. Un sommet capillaire et une garde robe que seul peut lui contester le sympathique Leo Hellden (Tristesse Contemporaine). On pourrait croire qu’il ne s’agit là que d’un manque d’intérêt pour les apparences mais à bien y regarder, cela reflète assez bien la posture adoptée par le Finlandais. Car même s’il n’a pas encore trente ans, Jaakko Eino Kalevi est de ces hibernatus qui prolifèrent ces temps-ci, en recyclant encore et encore la musique de leurs parents. Cet ancien chauffeur de tramway (une anecdote qui sert sa carte de visite) est déjà auteur d’une discographie pantagruélique : six albums en solo, d’autres en collaborations et une flopée de singles et EPs. C’est dire qu’il a une imagination prolifique pour piller à profusion. Pour son premier album pour le compte de la sous-division de Domino, Weird World, ce gentil garçon livre un pensum de toute son œuvre. Une bonne partie des 70’s et 80’s y passe donc, et comme il ne manque pas de talent, Double Talk constitue un incontestable single sur lequel ses influences hétéroclites s’agencent avec maestria. Si ce type est capable d’une telle chanson, c’est qu’il ne manque pas de talents pour écrire, jouer et agencer – il fait tout, tout seul ou presque. En revanche, pour ce qui est du discernement, l’écoute de l’album laisse dubitatif. Peut-être aurait-il fallu qu’il prenne des avis extérieurs, même si Nicolas Vernhes (vu aux côtés de Deerhunter et The War On Drugs) l’a aidé au mixage. C’est comme pour sa coupe de cheveux, sa musique gagnerait à être élaguée. Le solo de guitare heavy de Mind Like Muscle, joué au ralenti, évoque un slow d’Europe alors que le conclusif Ikuinen Purkautumaton Jannite, en finnois dans le texte donc, est une odyssée psychédélique fumeuse. Jaako ne nous épargne ici aucun poncif du genre : saxophone bavard, volutes de claviers antédiluviens, chœurs de nymphettes, fade out balourd. Cela pourrait être la bande-son d’une scène de film érotique kitsch dans laquelle les flippés d’Orange Mécanique s’introduiraient. Parfois, le Finlandais se lance dans d’incroyables cross-over, tel Hush Down avec voix passée au vocodeur, aplats de synthétiseurs new-age et une pointe de Kraftwerk, mêlés à des tics de production millésimés 1980. Un vrai brouet. Par ailleurs, les mélodies s’effondrent sur elles-mêmes et se dissolvent (Room) dans un état méditatif vaporeux. Et si on écoutait piste à piste Night At The Field, cela donnerait des hauts le cœur. La voix est très haut perchée et sans souffle, la ligne de synthétiseurs est bêtasse et la boite à rythme s’adapte à l’allure du jogging d’un quadra victime d’embonpoint (testé sur un parcours plat, avec un léger vent favorable). Mais globalement, ça marche – enfin ça trotte dans la tête. Car, quand bien même on peut pointer ces emprunts grandguignolesques qui constitueront pour certains des fautes de goûts rédhibitoires, il faut aussi savoir reconnaitre à Jaakko Eino Kalevi des talents de mélodistes.
02 – Double Talk
03 – Deeper Shadows
04 – Say
05 – Mind Like Muscle
06 – Night At The Field
07 – Don’t Ask Me Why
08 – Room
09 – Hush Down
10 – Ikuinen Purkautumaton Jännite
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