Généralement la publication de bande « originale » de film est aussi passionnante qu’une soirée de remise des Césars. C’est souvent un exercice compilatoire qui perd sa raison d’être une fois découplé des images et perd de son intérêt sans la synchronisation avec le fil narratif. Il y a bien quelques exemples notoires certes, mais en matière de pop-music, on se souvient plus souvent de morceaux réemployés avec pertinence dans un film que de compositions créées spécifiquement pour un film.
Dans le cas présent, le principe est un peu différent puisque le projet The Runner (Nude Club / City Slang) a été conçu par Boy Harsher dans son intégralité, le duo ayant tout à la fois écrit / réalisé le court-métrage et réalisé / interprété les huit plages qui en constituent la bande-son. Mais pour qui n’est pas amateur de cinéma d’horreur, le duo a veillé néanmoins bâtir un véritable album, leur troisième, qui peut s’apprécier uniquement dans sa dimension musicale. Évidemment, ça reste un peu flippant et l’introductif Tower instaure un inquiétant climat déchiré par les cris d’effroi de Jae Matthews. Sans les images, peut-être est-ce même pire car rien n’arrête l’esprit pour imaginer le morbide. Les Américains livrent ensuite quelques compositions synth-pop, qui titubent entre la salle des machines et la piste de danse. Le chant laid-back sied à merveille aux compositions pulsatives de Augustus Muller, avec mille-et-uns détails résolument gothiques pour un road-trip aux pays des fantômes. Mais la grande affaire de cet album, c’est bien les deux compositions sur lesquelles le duo fait appel à des invitées pour transcender leurs compositions claustrophobes. D’une part, Machina, avec Ms. BOAN, alias Mariana Saldaña, nous ramène à l’aube des 80’s dans un rêve angoissé de Top 50 : comme si Cindy Lauper avait convoqué Snap en backing-band pour un raout de morts-vivants. D’autre part, Boy Harsher claque un tube imparable, Autonomy, interprété Cooper B Handy (qui sévit par ailleurs sous le nom de Taxidermists), digne d’une reprise de New Order par Chromatics – à moins que ce ne soit l’inverse d’ailleurs. Rythmique métronomique, ligne synthétique trépidante, deux notes de guitares et un chant parfaitement distancié : du grand art !